Jordanie Partie 1 – Amman et Jerash

Il y a un bus qui relie l’aréoport Queen Alia au centre-ville de Amman, ce qui me surprend, dans un pays aussi reconnu pour leur adoration du Saint Crosse-Touriste et les mafias de taxis. Après une demi-heure dans un autobus neuf sur une autoroute qui donnerait quasiment l’impression d’un pays développé, je débarque au rond-point Dakhliya et je marche le 3 kilomètres jusqu’à mon auberge. Amman est montagneuse en maudit, et il faut que je monte des sales côtes, dont une qui est dans un escalier étroit entre les buildings. Ça donne des maudites belles vues.

Je suis arrivé trop tôt pour avoir ma chambre, alors je dépose mon sac et je vais me promener un peu. En descendant la colline, j’arrive dans un quartier animé, et en zyeutant distraitement les babioles dans un magasin, je remarque un nombre assez alarmant de cartoons destinés à des enfants avec des petits jihadistes en herbe drapés de drapeaux palestiniens avec des AK-47 ou lance-roquettes dans les mains, et des aimants de frigo qui sont la forme géographique de l’état d’Israël mais avec juste le dit drapeau noir, blanc, rouge et vert dessus. Hmmm, si quelqu’un me demande ma destination après la Jordanie il va falloir que je tienne ça mort.

Je déambule un peu sans but précis et j’arrive au théâtre romain, qui est énorme, et je monte ses estrades en roche à pic, admirant la vue. Il y a beaucoup de traces de la présence du plus grand empire de tous les temps dans la partie nord du pays, et un des side-trips auxquels j’ai pensé est la ville de Jerash, un énorme site de ruines romaines. Supposément qu’il y a moyen d’y aller en transport en commun, mais le bus part du terminus nord, à 6 kilomètres de là, et pour se rendre là il faut deux bus locaux et un transfert. Je pèse mes options: un chauffeur de taxi devant le théâtre romain propose de m’emmener là pour 20 JD, aller-retour. Y a-t-il moyen de le faire pour moins cher, et ainsi de gagner quelques Backpacker Points™, en me faisant chier avec tous ces bus? Oui. Est-ce que ça me tente? Non.

Alors j’embarque. Le chauffeur, un septuagénaire avec une barbe blanche nommé Ali, est bien sympathique et a de la jasette alors qu’on défile dans l’interminable banlieue de Amman et qu’on arrive dans un paysage ma foi magnifique, tout composé de collines verdoyantes avec des oliviers et des orangers partout. Le paysage est plus méditérranéen qu’autre chose, le seul aspect qui donne une vibe typiquement arabe est la panoplie de buildings carrés beiges et l’occasionnelle mosquée.

J’exprime que j’ai faim, et Ali m’emmène dans un restaurant foutument classe, surplombant la ville de Jerash. Les tables sur la terrasse sont occupées par des meutes de touristes, surtout des vieillards, avec des fois un guide qui les accompagne. Il y a même un groupe d’Africains aisés, on est véritablement sur la track battue. Je me gave au buffet, rentabilisant mon 10 JD (19 piasses canadiennes!) Je suis pus en Irak, avec ses bas prix universels et ses freebies occasionnels, je suis entré dans l’économie parallèle jordano-touristique, et franchement, ça me dérange pas trop, le poulet, le hummus, les salades et surtout le pain plat sont absolument savoureux, et des fois la voie de la facilité vaut la peine d’être empruntée.

Ce qui me gosse en sacrament, cependant, sont les mouches à marde qui se mettent à me buzzer autour dès mon arrivée au site archéologique. Je les ignore complètement comme il se doit, et je réponds même pas à leurs “Where you from my fren?” ou “Welcome to Jordan”. Soudainement, j’ai une genre d’épiphanie, et j’échafaude un concept de jeu vidéo: ton personnage, à la première ou troisième personne, doit naviguer un tableau qui consiste en un site touristique, genre Machu Picchu, Angkor Wat, les Pyramides, etc. et éviter ou neutraliser tous les touts fatiguants qui lui tournent autour. Au début c’est juste quelques parasites qui tiennent des cartes postales ou de l’artisanat laitte ou des foulards, et plus que ça va, plus le niveau de difficulté augmente, avec des chauffeurs de taxi et de tuk-tuk qui essaient de bloquer ton chemin, et des gars avec des chevaux ou des lamas. Hmmm, pas pire plan, si quelqu’un de UbiSoft lit ça, chus rejoignable via les merdias sociaux.

Sinon le site de Jerash lui-même vaut la peine, avec les colonnades, les ruines, la longue allée principale, l’hippodrome et un autre théâtre romain badass où je m’assois longuement essayant d’imaginer quel genre de spectacles se donnait ici 2000 ans auparavant, me faisant prendre en photo par un fren non-sollicité et répondant “Non merci” quand il me demande de l’argent pour.

Rendu au stationnement, Ali termine de laver son taxi avec une chaudière et une éponge, en contraste avec l’oisiveté habituelle de bin des gens de ces pays-là. Il me donne une orange qui s’avère être juteuse et parfaitement balancée entre sucre et acidité, puis on se remet en route. Au début j’admire le paysage mais la fatigue de la nuit blanche passée dans les aréoports et les avions me rattrape et je cogne des clous, émergeant de mon demi-sommeil rendu à Amman. Ali me droppe à mon auberge, je le remercie et après avoir pris possession de mon lit je m’y éffouaire et je dors un bon trois heures.

En soirée, je vais me promener. Les rues sont assez désertes, mais les bâtiments tout éclairés donnent un panorama urbain assez fantastique, à cause de la géographie accidentée de la place. J’ai un gros faible pour les grosses villes bâties dans les montagnes, contrairement à toute logique architecturale, telles que Medellín, La Paz, ou Rio de Janeiro. Quand tu es en bas tu as une vue de 360 degrés sur des buildings asymétriques à flanc de colline, et quand tu es en haut tu as une sale vue. Le problème c’est que se déplacer d’un à l’autre demande un effort rigoureux, comme je me dis alors que je gravis un interminable escalier sinistre. Il y a quasi aucun éclairage, et personne d’autre aux environs, à part deux moustachus louches à mi-chemin qui au lieu de me stabber, me disent “Salam aleikum” et m’offrent une poignée de chips.

Et de là pousse une autre réflexion dans mon cerveau. Les villes sud-américaines susmentionnées sont aussi greyées d’escaliers étroits qui sentent la pisse et servent de racourcis pour piétons entre leurs basses-villes et hautes-villes, mais il faut être casse-cou en sacrament pour les emprunter en tant qu’étranger visible, surtout la nuit tombée. Qu’est-ce qui fait que certaines villes sont dangereuses, et d’autres safe? C’est pas juste la présence policière, vu que à Beijing les policiers sont des vieillards avec des matraques et tu les vois jamais, alors qu’à Guatemala City il y a des pelotons de durs-à-cuire armés jusqu’aux dents à chaque coin de rue. C’est pas juste la pauvreté, après tout les villes du Bangladesh sont infiniment plus décalissées et crasseuses que les villes du Brésil. Et tant qu’à être là, pourquoi les villes arabes sont en général dénuées de tels problèmes de crime, mais les quartiers arabes des villes européennes le sont pas? Question de culture?

En tout cas. Chus pas ici pour arriver à des conclusions inconfortables, mais pour essayer de trouver de quoi à boire. Je regarde Maps.me, il y a quelques icônes de verre de martini, le signe universel pour un bar. Les quelques premiers sur lesquels je tombe une fois arrivé à un quartier huppé existent pas, sont fermés depuis lurette ou transformés en café, éventuellement j’arrive vers un qui est un genre de lounge assez péteux merci, et je décide de continuer mon chemin et essayer de trouver un pub ou une taverne. Échec. Ces rues sont mortes et enterrées, je regarde les petits townhouses charmants et les rues bordées d’arbres, on se croirait dans la Concession Française de Shanghai, où il y a des petits bars de toutes sortes aux 50 mètres. Après un long bout je passe devant un bottle shop, et je vois qu’il y a une table et une chaise de patio dedans, si le prochain bar sur la carte existe pas ou s’avère être une daube j’aurai un plan B, ce serait une beuverie triste en crisse, mais à pays musulman donné on choisit pas le tripot, me dis-je.

Le bar s’appelle le Rustic, ce qui me rappelle avec nostalgie la soirée de brosse passée à St-Pierre-et-Miquelon quatre mois auparavant dans une place du même nom, et je suis excité à l’idée que ce soit un bar bien simple en boiseries. Hé bien non. C’est un bar de jeune hi-so ultra-générique, avec décor sans goût, musique pouiche, drinks chers, et barmen qui affichent un air faussement décontracté mais te donnent l’impression que tu les déranges. Au Québec ou en Chine je mettrais pas les pieds dans un tel pit à frais-chiés à moins de m’y faire traîner. Mais hey, c’est le seul bar potable à un kilomètre à la ronde, et à cause de ça aussi, il y a foule, chaque table étant occupée par une foule 80-90% saucisse et avec juste quelques décapuchonnées. J’arrive à me faufiler sur un siège de bar et je me commande une bière après l’autre de la brasserie locale Carakale, d’abord une savoureuse Berliner weisse à l’orange sanguine, et une décevante pale ale, que je tombe lentement en regardant distraitement une game de soccer entre Marseille et une équipe ukrainienne quelconque, ce qui fait que le broadcast est entrecoupé de cringeries politiques de démonstration de vertu.

Sans avoir adressé la parole à personne, je paye mon bill et je ressors. Néanmoins je suis bien content, après quasiment un mois sans aller dans un bar, j’avais pas envie d’être saoul (ça arrive rarement sinon jamais) ni même que je m’ennuyais du goût, j’avais juste envie de prendre une bière, question de mettre une conclusion à ma première journée en Jordanie. Je regarde mon GPS, je pensais être rendu loin à force de marcher comme ça mais j’ai dû tourner en rond sans m’en apercevoir dans les rues non-quadrillés, et je suis juste à 1.3 km de mon lit. J’y retourne à pied, via un escalier de 228 marches (j’es ai comptées).

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