J’avais eu tellement de fun au QCDM BBQ l’an passé que je me disais que je reporterais mon départ vers la Chine de quelques jours pour être capable d’y être présent cette année, et quand l’affiche est sortie il y a quelques mois j’ai presque tout de suite sauté sur mon billet. On aime le death metal, ou on aime pas ça? Ma réponse est claire et dénuée d’ambiguité.

En plus, cette fois il y a un pré-fest le jeudi, pour nous mettre en appétit. Je me pointe au Steak Liquide (magnifique nom) au centre-ville de Trois-Rivières un peu avant que COLONY OMICRON, projet solo de Henri d’Abitabyss, ne commence son set. Le gros Rouyn-Norandais patibulaire joue de la guitare et grogne par-dessus une boîte à rhythmes, ce qui emmène souvent la comparaison avec Putrid Pile, et sa musique est dans le même créneau bien brutal/slam. Il faut noter aussi que le bar étant sur l’artère piétonnière de la Rue des Forges, il y a un groupe de normies en train de prendre un verre de début de soirée de l’autre côté du bar en fer à cheval, deux couples habillés sur leur 36, à la peau très bronzée, semblant être d’origine indienne. Ils font un sacrament de saut quand les riffs pesants, les blasts et les growls embarquent, et je m’attends à ce qu’ils prennent la poudre d’escampette, mais ils sourient et sortent leur téléphone pour prendre des vidéos. Ils commandent même une autre tournée et restent jusqu’à la fin. Aucune idée si ils se sont mis à écouter du Obituary ou du Suffocation en retournant à la maison, mais c’est sympathique de voir une telle ouverture d’esprit.
ART OF GORE, comme les trois quarts de l’affiche de ce pré-fest, avaient joué au QCDM BBQ précédent, et avaient fait impression durable pour un si jeune groupe, surtout à cause de leurs titres de tounes caves. Ceux qui étaient là tôt l’an dernier se rappellent des chants de “Pussy Souvlaki”, et quand je le crie alors que les quatre zigotos ajustent leurs instruments, ils répondent “Bin oui calme-toé on va la jouer sti” Le mot sur la rue est que c’est devenu leur hit, et qu’ils la mettent maintenant en fin de set, alors on se tape d’abord des ritournelles comme Jurassic Erection, Anal Torment et Les Pas De Tits. À lire ça j’imagine que vous pensez que c’est un band de pornogrind loufoque, mais non, en fait ils jouent un brutal death sans flafla qui cartonne en crisse, juste que ce sont des bros ne se prennent pas au sérieux mais jouent un set excellent pareil. À cause de la petitesse de la scène, les musiciens jouent sur le plancher, ce qui donne à leur set une saveur de punk house DIY.

Les vieux de la vieille de PURGATOIRE font un sous-sous-style de death metal qu’on entend somme toute assez rarement ces jours-ci, comme Félix le frontman et organisateur le décrit “imagine un album de brutal death composé en 1995”. Donc on parle pas de OSDM comme on l’entend d’habitude, ni d’ultrabrutalité à la Stabbing ou Odious Mortem ou Renchei, mais de gros crisses de riffs pesants classiques. Vers le milieu du set, Félix dit “La prochaine, vous la connaissez tous, sinon je vous invite à quitter les lieux!” avant d’entamer un beau cover d’Infecting the Crypts.
Le show est très intime et la plupart de mes vieux chums seront là juste pour le plat principal le lendemain, mais en sortant prendre l’air je croise Pat, de la Microbrasserie Nouvelle-France, qui a eu la tâche d’aller chercher Shaun de Putrid Pile à l’aréoport. Shaun est complètement défoncé, ayant tinqué quelques bières au Mutoïde avant de partir de Montréal, et il a fumé pas mal de joints aussi, on pourrait lui bander les yeux avec un lacet de souliers et il parle très lentement. Je lui serre la main et lui parle de la fois où je l’ai vu performer à Bangkok en 2010, sa face s’allume et il est rempli de joie à se faire rappeler un aussi beau souvenir, supposément que sa tournée en Asie du Sud-Est a été un moment absolument marquant.

Le clou de la soirée est un des bands j’ai le plus hâte de voir de ces trois jours, DÉMENCE! Les pionniers du death francophone ont eu une assez courte carrière dans les années 90s avant de revenir en 2007 pour les shows du 25e anniversaire du metal québécois et faire quelques shows de réunion sporadique depuis, mais tragiquement leur frontman Joël est décédé d’un cancer l’an dernier. Ceci est donc un show hommage, avec les musiciens originaux émus mais souriants et une succession de vocalistes remplaçants: la légendaire Louise de Sang Frais/Hands of Death commence ça, puis le reste du set sera partagé entre elle, Félix, un dénommé Yan, et le guitariste Sylvain qui chante Intraveineuse et quelques autres. Je dois avouer avec une énorme pointe de honte que j’ai découvert Démence vraiment sur le tard, avec les pochettes style Safarir qui m’ont fait croire à un band parodique, mais leurs deux albums Total Démembrement et Goutte à Goutte sont en fait des sacraments de belles slabs de death metal de style Cannibal Corpse (très, TRÈS Cannibal Corpse) et je suis stoked de finalement voir ça en concert. Louise revient pour le cover du Screw de Richard Desjardins et le classique Marie-Pute, puis ils finissent ça avec Les Aventures d’un Foetus avec le pied de micro dans le pit pour que n’importe qui qui veut chanter puisse le faire. Un beau send-off, RIP Joël \m/

Le lendemain après-midi, j’ai un sourire au visage et de l’anticipation dans les veines alors que je chevauche mon bicycle de la maison de ma mère au Cap-de-la-Madeleine jusqu’au centre-ville, je sens que ça va être du lourd et que je vais avoir un fun noir. Mes vieux chums sont déjà là, on se fait des bro hugs bien virils et on s’en fume un avant que RGRSS prennent la scène, décidément on commence avec du gros calibre. Les gars de Montréal jouent du deathgrind très tight, ce qui est d’autant plus impressionant que leur drummeur régulier est parti en tournée en Europe avec les blackeux de Gevurah et que c’est leur ancien drummeur qui le remplace, faut croire il a gardé ses chops et/ou pratiqué en masse. Nick Nucci est non seulement beau comme un dieu grec et un crisse de bon gars avec qui échanger des plaisanteries, c’est tout un musicien/chanteur de death, comme on peut voir avec Rgrss et son autre band Intonate qui a joué l’an dernier.

PRIMAL HORDE fait un death pesant dénué de blast beats, et sans être capable de nécessairement l’exprimer en mots, je sais après quelques minutes que c’est clairement des gars qui écoutent beaucoup de hardcore, ce que le vocaliste confirme entre deux tounes en parlant de l’action dans le pit qui est différente des bills où ils sont mis d’habitude. Montréal a une trallée de bands de ce genre, de Scrorching Tomb à Serpent Corpse à Bonebearer, et je suis très fan. Pourquoi est-ce que le deathcore suce des gros noeuds, mais que le death hardcore est si rafraîchissant et bon? J’imagine que ça dépend quels éléments de chaque parent on pige pouur créer la créature hybride, si un gars laid et intelligent fait un bébé avec une fille belle et conne, on peut soit obtenir des enfants laids et cons, ou beaux et intelligents.
Personne sait à quoi s’attendre de PUTRID LIQUID, un duo qui ont fait de la route en tabarnak pour venir nous voir, arrivant de Dayton en Ohio. Ils ont un swag assez unique de stoners comme dans les films de comédie, et un son à la frontière du goregrind et du brutal, avec le plus petit snare que j’ai jamais vu, il est de la grosseur d’une pizza individuelle et émet un petit son aigu qui fait marrer tout le monde. Un moment donné, un gars essaie de faire du body-surfing, ce qui est toujours ridicule dans une si petite salle avec une crowd si clairsemée, et il tombe tête première sur le plancher, avec un CRAC!!! qui est entendu même par-dessus la musique forte.

Holy Cost et Vaginal Addiction étaient supposés être de la partie mais ont dû annuler, les premiers à cause de chicane interne et les seconds à cause d’une urgence médicale (on se fait confirmer plus tard que le gars va bien). PURITY IN PERVERSION sont donc venus à la rescousse, j’avais aimé leur set l’an passé mais là les estis se sont surpassés, et leur death empreint de chugchugchugs et de moves de bicycle à gaz nous fait tous headbanger comme des malades, avec un cover de Sedated and Amputated de Visceral Disgorge en bonus.
Je me rappelle une lointaine jeunesse où un chum de Rouyn m’avait parlé d’ABITABYSS, fiers représentants de cette région éloignée et de sa production de matières premières, avec un mineur (qui porte un casque jaune avec une lampe en show!!!), un fermier et un bûcheron et des tounes qui parlent de leur mode de vie. Une des toutes meilleures gimmicks de l’histoire du metal, ce qui voudrait pas dire grand chose (et serait même un peu triste) si la musique était pas à la hauteur, hors c’était plus que le cas. Le band a pas mal changé depuis, le fermier étant remplacé par un chasseur et un pêcheur, et le son brutal lofi ridiculement guttural a aussi évolué vers de quoi de pas mal plus étoffé, avec deux guitares.

Je reconnais aucune toune du premier album et je suis même pas sûr si ils en ont joué du second, Rural Métal. Je suis conscient que c’est un line-up différent et qu’ils veulent jouer des nouvelles, mais ça aurait cool de recevoir un Souris ou un Pofokout en plus. Still, excellente prestation, La Revanche du Brochet et Perdrix Pile ont fait mouche en crisse et j’ai hâte d’entendre ça sur album. Les fiers rednecks du nord-ouest nous garrochent aussi un beau cover de Dying Fetus, Nocturnal Crucifixion.
Dans une veine slam dégueulassement déviante, NECROTICGOREBEAST nous déviarge les oreilles bin comme il faut, en plus le son est énorme, on entend tout comme sur leurs albums. Simonaque que ça fesse! C’est un band stone-faced et sérieux, le seul aspect un peu cornet étant dans la thématique et les titres de tounes, comme Excremental Haemorrhage Fisting et son groove illégal, et Autoerotic Rectal Prolapse (tabarnak hein?). Un groupe qui sait se démarquer de la masse de bands de slam de peu d’intérêt, notamment par l’utilisation de riffing intelligent et dissonnant, j’aimais déjà leurs albums et là je les aime encore plus. Un des meilleurs shows de toute la fin de semaine, certain.

L’gros Shaun Lacanne est bien attendu, je pense c’est la première fois il vient au Québec avec son projet solo de death brutal devenu culte pour les bonnes raisons. PUTRID fucking PILE!!! Son vocal est ridiculement puissant et ses doigts bougent vite vite vite sur le manche, alors qu’il nous garroche sa violence auditive. Il finit ça comme en 2010, avec un suprême Food for the Maggots qui manque de me snapper les vertèbres. Un léger bémol est que son show a un rhythme interrompu et des temps morts à la fin de chaque track alors qu’il se dirige vers la console pour faire jouer la piste de drum machine à partir d’un vieux lecteur mp3, alors que messemble qu’il y aurait des avenues pour rendre ça plus fluide, genre avec une pédale ou un assistant ou je sais pas quoi. À ce moment je vais faire un beau shout-out au garde de sécurité, un Africain bien baraqué qui s’est rendu compte assez vite qu’il y aurait pas de trouble dans la place, avec l’ambiance conviviale si commune aux rassemblements de pouels, et donc regarde le show de sa position à l’entrée du backstage avec un sourire tout le long, intrigué par les grognements et bruits sourds qui proviennent de la scène.

CONDEMNED sont mis en charge de clore cette soirée officiellement, un quatuor de Latinos patibulaires de quelque part en Californie. C’est du gros crisse de death brutal et guttural, sans niaiseries, sans groove, sans slam, juste de la brutalité. Je m’emmerde à aucun moment de leur prestation, mais je peux pas dire que c’est celle qui m’a le plus marqué. La foule se dissipe mais il reste quelques trippeux pour l’après-party, une gang de vieux de la vieille (Benji d’Abitabyss est le seul que je reconnais à 100%) qui jouent un set de covers, commençant avec Cenotaph de Bolt Thrower, I cum blood de Cannibal Corpse, pis Tearing through the womb de Dying Fetus. Et nous headbangâmes.

L’affiche du samedi est un tantinet moins alléchante que celle du vendredi en ce qui concerne les bands que je connaissais déjà et avais hâte de voir ou revoir, mais je suis fébrile à l’idée de faire des découvertes, je sais que l’gros Félix est physiquement incapable de booker quoi que ce soit de mauvais pour son QCDM BBQ chéri. En plus, d’autres de mes chums sont de la partie, ayant fait la route de Gatineau ou Sherbrooke, et c’est nice de voir leurs belles faces.

On commence ça avec ROOT CELLAR, froqués en chemises à carreaux et masques de poches de patates, comme dans les films de slashers. Sans surprises, c’est du gros son sloppy et c’est bien nice. Puis c’est GLAND, un groupe que je connais de nom à force de les voir sur des bills death metal à Ottawa, mais malheureusement ils ont commencé à jouer longtemps après que j’aie déménagé de cette ville. En plus, deux des gars étaient parmi mes compagnons de chambre à Baltimore six semaines auparavant et on a bien connecté. Hé bien fuck me, Gland c’est du solide, un death très rhythmique et rapide qui me fait penser pas mal à Misery Index, avec un peu d’humour noir dans les titres, comme Brazilian Ballsack Lift qui m’a bien fait rigoler. Ils ont un peu de problèmes de son, et au moins une toune est jouée en mode drum n’ bass, le pauvre guitariste s’affairant pour rien.
J’avais vu COMMUTED, un power trio du Maine, au Sherbrooke Deathfest en janvier dernier, et adoré leur son OSDM caverneux, le genre de shit que moi et mes amis cools on aime beaucoup écouter par les temps qui courent. Ils jouent un set très minimaliste, avec quasi aucune interaction, juste des blasts 90% du temps et des passages doom dévastateurs le reste du temps. Puis, dans un autre registre, on a CRÈME FLESH, qui vont contre nos attentes en jouant un slam sérieux et stone-faced, n’utilisant un beat de type carnaval que pour quatre bars dans une pièce avant de revenir au pistonnage et aux blasts. Leur côté cornet est limité aux titres et thématiques donc, comme la toune titre de leur EP qui s’en vient, la superbement nommée Casablumpkin.

SPIRIT OF REBELLION sont un throwback au son death metal typiquement québécois des alentours de 2005-2010, les Beyond Creation, Descend into Nothingness, Neuraxis de ce monde, technique et dans la patch tout le long. Jésus Saint-Toton que c’est bon! Rimouski n’est peut-être plus la capitale du metal qu’elle était, mais la ville bas-laurentienne a jamais arrêté de produire du stock d’excellente qualité, je sais pas si c’est l’odeur de varech à marée basse qui leur fait ça. Puis c’est OBVURT, avec juste un drummeur et un gars qui joue une espèce de guitare à deux manches, et pas deux manches parallèles comme on pourrait penser, non, on dirait deux guitares siamoises et le gars les doigte les deux en même temps. Crisse, quand tu pensais avoir tout vu. Une fois l’effet de curiosité dissipée, je vais me reposer dehors, n’étant pas trop friand de ce genre de tech death manquant de punch.
J’avais fait un peu le saut en voyant VENGEFUL sur l’affiche, je me rappelais avoir acheté leur album Karma en 2007 mais je pensais que c’était juste un genre de side-project de musiciens occupés avec leurs groupes principaux, et là, dix-sept ans plus tard (sti chus vieux) ils sont là, avec le prolifique Oli Pinard à la basse et le gars chauve de Phobocosm. Je regarde la moitié du set, c’est bien, mais un peu volontairement trop weird et difficile d’accès à mon goût, surtout après autant de gros stock. Je retourne me reposer dehors avec Simon de Metal Minded en attendant le plat principal.

Tout est impeccable à date, au niveau de l’organisation, de la musique, de la bière disponible, du grand balcon où on peut prendre l’air parmi des effluves de marijuana et de boulette de hamburg qui grillent, gracieuseté de Sexy Barbecue et son beau tablier. La salle L’Entitée mérite un gros 10/10, et elle est juste assez grande pour qu’on puisse se mouvoir facilement dans la foule mais assez petite pour qu’on se sente choyés que les légendaires MASSACRE viennent nous honorer de leur présence. Dès qu’on entend les riffs d’intro de Dawn of Eternity, des énormes sourires fendent les faces de bien des festivaliers et s’estomperont pas avant la fin, et quand la partie bien thrashy embarque, je peux pas résister à l’envie de me garrocher dans le pit. Ils enchaînent avec Cryptic Realms et Biohazard, également extraites de leur si classique album From Beyond, et y a personne dans la place pas en train de tripper sa vie. Ce genre de deaththrash du début des années 90 est pus à la mode depuis longtemps, mais a magnifiquement vieilli, surtout lorsque les tounes elles-mêmes sont si fucking bonnes et jouées avec brio par les vieux brigands. J’en aurais pris plus!
Vive le death metal, tout simplement.
