Si la route d’autobus Montréal-Québec était administrée par une compagnie africaine, voici de quoi ça aurait l’air:
5:20 Arrivée à la gare Berri-UQAM. Tu frottes tes yeux pleins de dormu, et rêves à ton lit. Cependant, tu te dois d’être la, on t’a dit de pas manquer le bus de 6h, qui est le seul qui va all the way.
5:21 Tu te fais ASSAILLIR par une gang de rabatteurs qui te crient toutes les destinations possibles et essaient de t’emmener vers LEUR bus. Se rajoutent un dude qui vend des chargeurs de cellulaires, et 25 enfants qui te quêtent de l’argent.
5:22 Tu dis “Je vais à Québec” et l’un d’eux dit “Québec? Québec?? Suis-moi… ce minibus va a Québec. Envoye, embarque!” Tu fais le tous du minibus, et sur son pare-brise tout craqué est clairement écrit au pinceau MTL-RIGAUD-CASSELMAN-GATINEAU. C’est même pas la meme direction. Le tas de marde était prêt a te faire perdre ta journée au complet juste pour avoir son 0.03$ de commission. Tu l’envoies chier. Il rit nerveusement tel un Thai.
5:23 Un individu bien habillé, témoin de la scène, te dit qu’il va a Québec lui aussi et qu’il peut te montrer où aller. Puisqu’il a toutes ses dents et sent pas le choudoufu, tu décides qu’il est digne de confiance.
5:25 Le bus est effectivement là, parké près d’un mur. Le mot QUÉBEC est écrit en grosses lettres, par dessus des écritures japonaises et une autre langue bizarre utilisant l’alphabet cyrillique. Le Japon en voulait pus, le Tadjikistan non plus. Cependant, le bus semble en état de marche, et c’est pas comme si tu avais le choix anyway. Tu achètes un billet (écrit a la main) et prends place.
6:10 Le bus est toujours là. On te dit qu’il part quand il est plein. Bon, c’est fair, te dis-tu, après tout il faut qu’ils rentrent dans leur argent, c’est pas comme si ils ont un salaire que le bus soit plein ou vide. Et il reste juste 5 ou 6 sièges libres, ça devrait aller vite.
6:38 Tous les sièges sont occupés, et il y a quelques passagers debout. Le conducteur est encore dehors à haranguer les passagers.
6:49 Tu manges ton déjeuner (pomme, banane, petit pain sec). Il goûte étrangement le diesel mal brûlé du moteur qui roule au ralenti depuis que tu es assis la. Tu te demandes si tu vas mourir.
8:27 Le bus se met en marche. Deux heures et demi de retard. Pas pire.
8:27:15 Le bus arrête sur le boulevard Maisonneuve, derrière un station wagon stationné. Les deux chauffeurs en sortent, se serrent la main cordialement, et jasent un bon 5 minutes, d’un air décontracté au max. Puis, ils ouvrent le coffre du station wagon, et en sortent le contenu: un bundle de pattes de chaises attaché avec de la corde, une boîte de clous, et quatre caisses de 24 vides. Ils mettent le tout dans le compartiment a bagages, puis continuent a jaser un bon 10 minutes avant de se dire goodbye.
8:45-9:15 Le bus arrête à au moins 12 coins de rue, pour ramasser d’autres passagers. Certains ont avec eux des sacs de jute gros comme des cabines téléphoniques. A certains coins de rue, le chauffeur arrête et sort demander à des badauds si ils veulent embarquer. Ils le regardent d’un air bizarre.
10:20 Arrivée à Repentigny. 125 personnes entrent dans le bus. Vous êtes mainenant rendus à 4 par banquette, et la peau de la grosse madame à côté de toi te colle à la fenêtre tel un saran-wrap. Tu essaies d’ouvrir la fenêtre, a s’ouvre pas.
12:05 Arrivée à Berthierville. Quelques passagers sortent, le double entre. Tu veux aller prendre l’air et dégourdir tes jambes, mais le bus est tellement paqueté que tu es pris là à vie. Le chauffeur est nulle part en vue, et revient juste apres 20 minutes.
13:10 Ton déjeuner est loin en esti, et c’est pas les petits sacs de peanuts que des madames viennent vendre aux fenêtres à chaque arrêt qui va te sustenter. Tu as pas prévu le coup du tout, en fait tu croyais naïvement qu’avec un départ aussi matinal tu pourrais DEJEUNER à Québec.
13:30 Le bus arrête à Trois-Rivieres, dans un immense parking avec 250 autres autobus. Avec joie, tu vois qu’il y a des gens qui vendent de la viande grillée, du pain frais, des fruits et légumes, et même un petit buffet. On te dit que tu as pas le temps d’y aller. Le bus reste quand meme stationné là durant un peu plus d’une heure, avec la porte fermée.
15:11 Le bus arrête sur le bord de la route pour aucune calisse de raison.
15:24 Le bus arrête sur le bord de la route pour aucune calisse de raison.
15:47 Le bus arrête sur le bord de la route pour aucune calisse de raison.
16:20 Le chauffeur calcule mal le temps de dépassement, et passe tellement proche de rentrer face-à-face dans un camion de ciment que le bus shake de gauche à droite.
16:35 Le bus arrête sur le bord de la route pour aucune calisse de raison. Cette fois, le chauffeur parle au cellulaire pendant 15 minutes.
17:18 Le bus arrête à Cap-Rouge, pour une longue, longue, longue escale. On voit Québec au loin. Malgré que certaines hippies sales a moustaches douces et bagues autour des orteils disent “Oh, les gens ici y savent RELAXER, c’est juste les Occidentaux qui sont impatients”, plusieurs passagers froncent les sourcils et montrent des signes d’exaspération. Tu en entends même un ou deux crier après le chauffeur.
18:05 Le bus arrive FINALEMENT à destination, mais c’est pas Québec même ou au moins Ste-Foy, mais plutot un terrain vague poussiéreux en bordure de l’Ancienne-Lorette. Tu sors en boitant et toussant, et as une douleur à l’épaule comme si tu venais de lancer 15 manches au base-ball. Il commence à faire noir, et tu vois le cartel des motos-taxis, tous en ligne, souriant à pleins crocs de voir toutes ces proies arriver.
Tu tuerais pour une biere, et te dis “FUCK demain faut j’aille jusqu’à Rimouski… prochaine fois je viens ici, fuck ça, je me fais pas un itinéraire aussi serré”
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