Kendwa Beach, Zanzibar (Tanzanie), Juillet 2013
Il y a une étrange dichotomie dans mes voyages parfois. Par exemple, s’entasser dans le derrière d’un vieux pick-up avec des sacs de bouffe, des poulets, et trois fois trop de monde pour une ride inconfortable de deux heures, puis marcher quatre kilomètres sous un soleil de plomb, pour finalement arriver à la chambre que j’ai réservée à 65$ la nuit, dans un resort cossu sur le bord de la plage entouré de petits villages habités par des paysans nu-pieds qui font tous le jeûne du Ramadan.
Nous sommes à Zanzibar, gros archipel au large de la côte Tanzanienne, un des endroits les plus jolis de toute l’Afrique, mais un des plus overrated aussi. Tout y est plus cher, l’île au complet est innondée de touristes, et les rabatteurs sont les plus fatiguants que j’ai jamais vus. “Hello mah fren’! Taxi? You need hotel? Turtle island? Wanna boat to Turtle Island? Wanna buy souvenirs? Where you from, mah fren’? One love!” Et ils arrêtent jamais, les tabarnaks. J’étais semi au courant de tout ça, et je me demandais donc si je devrais tout simplement pas scrapper Zanzibar de mon déjà ambitieux itinéraire est-africain et juste passer plus de temps sur la côte du Kenya ou de la Tanzanie, jusqu’à ce que je tombe par hasard sur un site internet qui parle d’un gros Full Moon Party organisé sur la partie nord de l’île. Ah bin. Il s’adonne que j’ai rien de prévu le soir de la pleine lune, donc je réserve deux nuits et je prends le traversier de nuit qui s’élance dans les grosses vagues de l’Océan Indien.

Je sieste tout l’après-midi, m’attendant à un party de la mort qui durera jusqu’au petit matin. C’est ça le but d’un Full Moon Party, non? Et ayant vu avant comment les Africains font la fête, j’étais prêt pour rien de moins que la débauche totale alors que je me dirige vers le site du party un peu avant 9 heures du soir.
Finalement, disons-le comme c’est: ça suckait la marde. On peut rien amener de l’extérieur, tout est relativement cher, tout le monde se fait kicker dehors à 3 heures du matin, et y a presque pas d’Africains, juste des tourisses et des hippies féminines européennes en Afrique pour un voyage de volontourisme question de booster leur CV de faire une différence dans la vie des pauvres petits Noirs avant de retourner à leur vie banlieusarde en Allemagne ou au Danemark ou whatever. Et comble du malheur, même avec toute l’immense sélection de merveilleuse musique Africaine et de reggae à leur disposition, le DJ choisit l’option gomme balloune Top 40 et enchaîne les tounes de Katy Perry, Kanye West, et autres fabricants de daube à l’américaine, entrecoupés de hits faciles comme Gangnam Style. Fessez-moé quelqu’un.

Au moins la soirée est encore jeune et y a moyen de se faire des chums, même si la majorité des tourisses sont en groupes hermétiques de 5 et plus. À un moment donné, je suis sur le bord du feu de camp, et je me fais approcher par deux petites Indiennes impressionnées par mes tatouages. On commence une conversation, qui déboule rapidement. Elles ont 18 ans toutes les deux, sont en dernière année du secondaire à l’école internationale de Dar-Es-Salaam (capitale de la Tanzanie) et passent chaque été dans un programme d’école quelconque en Californie, ce qui explique leur accent Valley Girl impeccable. Leurs parents, très stricts et très musulmans, pensent qu’elles sont à l’école après étudier, au lieu d’être là à douze heures de bateau à boire et à socialiser avec des garçons.
Je leur conte quelques snippets de mes voyages et ma vie à l’étranger, et elles semblent vraiment impressionnées. Trop même. Je leur dis modestement que c’est pas si glamour, et que bâtard, j’ai dix ans de plus qu’elles. Donnez-vous du temps, quand j’avais 18 ans le plus loin où j’avais été de chez nous est genre Toronto.
L’une d’elles (la moins jolie, mais la moins gênée aussi clairement) dit que quand elle est saoule, elle devient très horny, et embrasse ses amies. Elle me dit aussi qu’elle a déjà vu des pénis noirs, et des pénis bruns, mais pas de pénis blancs, et que ça “manque à sa culture”. J’aime comment, et où, la conversation est en train de dégringoler inexorablement. “Dis-m-en plus!”
Elles me questionnent au sujet de mes propres expériences sexuelles, et quand elles apprennent que j’ai jamais été avec une Indienne, elles me disent que les Indiennes sont les meilleures au lit. Ah bin. Là c’est le temps d’embrayer en deuxième vitesse et d’aller au delà du parle-parle, jase-jase… Je me demande comment pourrais-je bien les éloigner subtilement du feu de camp vers un coin reclus de la plage, ou mieux encore, les confins de ma chambre de luxe. Euréka! Je me rappelle soudainement que j’ai encore de l’herbe illicite dans mon sac, un restant de la veille à Dar-Es-Salaam. J’avais fumé un batte avec un rasta, et il m’en avait donné un autre pour plus tard, et on a juste oublié j’imagine. Le joint élusif était donc encore dans ma poche de chemise quand j’ai pris le traversier, ce qui est vraiment, vraiment pas une bonne idée et je m’en suis rendu compte juste plus tard, une fois que j’avais passé le contrôle de sécurité (Zanzibar appartient à la Tanzanie, mais pour une raison bizarre pour y aller faut passer un poste-frontière et se faire étamper le passeport). J’aurais pu être VRAIMENT dans marde, mais là au lieu, je me ramasse avec un excellent atout, un excellent outil pour rendre la soirée encore plaisante.
Et dès que je mentionne (en diagonale, comme si c’était rien du tout) avoir cette herbe magique en ma possession, elles me sautent dessus. “Oh my god!!! Can we smoke it?!” “Ah bin, si vous voulez. Ma chambre est par là!” Et c’est le pas plein de pep, les veines pleines de testostérone pure et la tête pleine de scénarios pornographiques, qu’on se dirige vers le resort à deux pas de là. J’ouvre ma Sexual Bucket List dans ma tête, tout prêt à cocher les items “10 ans de différence d’âge”, “trip à trois gratuit” et “Indienne” (surtout que j’avais coché “Noire” la veille). Vous vous demandez sûrement comment je pourrais bien foirer ça, mais faut croire qu’Allah me regardait de son nuage, avec un plan.

On arrive à la périphérie d’où je reste, et des gardes de sécurité poppent de l’ombre, demandant à voir nos bracelets. J’ai un bracelet bleu, ce qui veut dire que j’ai loué une chambre là et que j’ai accès au party gratuitement, mais les deux filles ont un bracelet blanc, ce qui leur donne accès au party seulement. Je dis que je veux juste leur montrer quelque chose et qu’on reviendra dans pas long, mais non, les règles sont les règles, bêêêh bêêêh bêêêh. Je serre les dents devant une aussi honteuse opération de cockblock, et cherche une solution. J’ai pas d’argent liquide sur moi, vu que toutes les transactions sur le site du party se font avec une carte magnétique (pratique, mais inutile pour graisser des pattes) et j’aurais dû, J’AURAIS DÛ BIN DÛ DONC DÛ, juste piquer un dash à ma chambre, prendre quelques billets, et m’essayer. Mais non, au lieu chus juste allé chercher le joint en disant aux deux gurdas qu’on le fumerait sur la plage. Ce qu’on a fait.

Elles sont encore de bonne humeur même après ce contretemps, rien n’est perdu, me dis-je. On s’assoit donc dans un coin reclus de la plage et on blaze it.
Tout le monde qui s’est déjà fait pogner avec du weed le dira: le gars est apparu d’absolument nulle part. On avait fini de toute façon, alors quand il nous interpelle, j’enterre le mégot immédiatement dans le sable mais il me crie après: “HEILLE! J’t’ai vu, essaye pas!”
Il s’accroupit à côté de nous, et dit “Vous devriez faire attention, des fois y a des cops qui patrouillent la plage. Vous pouvez vraiment être dans marde pour ça!” Ah fiou, c’est juste un bon Samaritain qui s’inquiète pour nous et nous avertit. Je lui dis merci, et qu’on le fera pus, et commence à me lever. Il m’agrippe le poignet, et me dit “Reste là!” Ah, maaaauuuudit.
Les deux filles commencent à plaidoyer avec en swahili (elles sont nées et ont grandi en Tanzanie de parents indiens, ce qui est pas rare en fait) et là je comprends pus rien à ce qui se passe. Ça s’astine, le gars arrête pas de monter le ton, et les filles ont l’air de plus en plus désespérées. Je reste de marbre, sachant que mon intervention amènerait rien de bon anyway. Une des filles sort quelques billets fripés de son top de bikini (lol) et lui tend avec une expression qui a l’air de dire “C’est tout ce que j’ai”. Le gars gueule de quoi, et réplique en sortant une paire de menottes de ses poches. Shit’s getting real.
– Le gars va nous dénoncer aux cops si on lui donne pas d’argent. Si mes parents apprennent que chus ici, chus morte!
Je vois des larmes apparaître. Soupir…
– Combien y veut?
– Cinquante.
– Cinquante piasses?!
– Non, cinquante mille…
J’ai l’anus qui remonte de six pouces à l’intérieur de mon corps, tellement je serre les fesses.
– … cinquante mille schillings tanzaniens. Pour les trois.
Ce qui vaut environ trente dollars américains. J’ai quasiment le goût de rire, mais au lieu je fais juste un haussement d’épaules en disant que le cash est dans ma chambre. Il me laisse partir, mais garde les deux filles en otage, qui me supplient de revenir et pas les laisser là.
Je pense à me sauver dans la nuit et dire “Ah-HA!!!”, mais j’irais où?! J’ai déjà payé assez cher pour cette daube de Full Moon Party, alors un maigre 50 000 schillings de plus fera pas tant de différence, surtout que ouin, on était vraiment en train de briser la loi, même si c’est d’une façon aussi bénigne et sans faire de mal à personne. Je veux pas laisser les deux pauvres jeunottes à leur sort peu enviable, et la raison la plus importante, je pensais encore scorer un trip à trois avec tout ça. Même que qui sait, elles seront peut-être très reconnaissantes?! Je presse le pas.
Ils sont encore au même spot quand je reviens, et le gaillard à calotte me serre la main de façon très peu subtile (il insistait pour faire ce rituel bizarre, même si y avait personne aux environs) avant de disparaître dans la nuit. Moi j’en ai vu d’autres, et je me dis “au pire, ça fait une histoire conne à conter”, mais elles semblent toutes secouées par l’expérience. Elles me remercient à profusion, mais semblent avoir passé le stade de “saoule joviale, horny et impressionable” à “saoule inquiète, désorientée et émotive”, ce qui me déplaît énormément et me fait me demander si chus pas mieux de juste retourner au party. Elles offrent quand même d’aller prendre un vodka-and-coke à leur chambre 10 minutes plus loin dans un autre resort, ce que j’accepte volontiers.
L’une d’elles me tient par le bras et frotte ses cheveux sur mon épaule comme un chaton (elles mesurent pas plus de 5 pieds toutes les deux, j’en fais 6) tout le long du chemin, ce qui me porte à penser que tout se déroule bien. On arrive à leur petit bungalow, je commence à me demander laquelle j’essaie d’embrasser en premier, la très cute mais gênée, ou la moins cute mais entreprenante, quand tout à coup…
… la porte d’à côté ouvre. C’est une autre petite Indienne. “Ah vous êtes là! Thank god! Fatima est malade, elle a vomi partout!” Je jette un coup d’oeil, et tout ce que je vois est une quatrième petite Indienne (sont combien coudon?!), couchée sur le ventre sur son lit, et de la vomissure à moitié digérée sur le plancher, sur le mur, sur les valises, sur le tapis d’entrée. Fucking filles de 18 ans.
Là, le mood est effectivement mort, incinéré, et dispersé au vent. Je m’essaie quand même à leur dire de laisser faire, elle dort, et que Petite Indienne No.3 va en prendre soin et qu’on peut continuer le party, mais non, elles insistent pour prendre soin de leur amie. Fucking filles de 18 ans!
“Are you guys still… gonna make out?”, demandai-je, piteux.
“Tsssk… guys. All the same.”, répondent-elles en secouant la tête.
Un gars s’essaie…
***
Le lendemain, j’ai vu le même bonhomme sur la plage, au loin, avec un suit de plongée sous-marine. “Quoi?! T’es pas une fucking police!” Je me demande ce qu’il foutait bien avec une paire de menottes d’abord.
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