Gombe NP, Tanzanie, Juillet 2013
Mon animal préféré est le chimpanzé, alors il va de soi que j’étais ultra fébrile à l’idée d’aller en visiter dans leur habitat naturel. Après un interminable et inconfortable voyage en train, j’arrive à Kigoma, la ville la plus à l’ouest de la Tanzanie. Elle est sur le bord du Lac Tanganyika, qui touche aussi la Zambie, le Burundi et la République Démocratique du Congo, donc il y a un énorme marché où des gens viennent de diverses parties de l’Afrique centrale pour vendre leurs cossins, mais surtout, Kigoma est à proximité du Parc National de Gombe. C’est là que la célèbre primatologue Jane Goodall a passé la majorité de sa vie, à étudier le comportement de nos cousins poilus, et une des places où que j’avais le plus hâte d’aller dans toute l’Afrique.
Le bureau touristique de Kigoma m’informe des prix: 100 piasses US pour la visite dans le parc, avec guide inclus, et 20 piasses pour dormir dans la petite auberge juste à côté. Ça semble un peu cher, mais comparé aux coûts pour aller visiter les gorilles, qui varient entre 500$ et 750$, c’est bien plus abordable. Et pour ce qui est de se rendre au parc, on peut pas y aller par la route, il faut prendre un bateau. J’ai le choix entre payer 250$ pour avoir un transport privé, ou payer moins que 2$ pour le bateau public en direction du Burundi, qui peut me déposer là-bas. Décision facile.
Le lendemain, je me pointe tôt à la plage d’où les bateaux partent, et je trouve lequel il faut je prenne. C’est juste une grosse chaloupe, avec pas de banquettes, et pas de toit. Les gens sont soit assis sur la bordure, ou dans le fond, avec des gros sacs de jute, des poulets et des chèvres. Il doit y avoir 150 passagers, et en tout temps, au moins 80% d’entre eux me regardent fixement. La barrière de langue est pas mal haute (contrairement au Kenya, où tout le monde parle anglais, en Tanzanie faut que tu sortes ton swahili du dimanche) mais un monsieur âgé qui vient du Congo se rend compte que je parle français alors il traduit pour les curieux passagers.
Après trois heures de route, je me fais déposer. Il y a pas de quai ou rien, il faut que je saute dans l‘eau jusqu’à la taille, avec mon sac à dos et mes souliers à bouts de bras. Un bonhomme avec un polo rouge à l’emblême du parc m’attend sur la plage et me mène vers mes quartiers.
Une légion de macaques et de babouins sont à la lisière de la forêt, et me fixant d’un air menaçant comme si j’étais le nouveau prisonnier arrivé au pénitencier. Pas de chimpanzés; ils sont plus creux dans le bois. L’employé du parc me dit de faire attention avec mes effets personnels, parce que les singes VONT voler quoi que ce soit qui traîne.
Je paie, dépose mes choses dans ma chambre, et presque immédiatement on se met en route. J’aime ça moé, pas l’temps d’niaiser. Mon guide se prénomme Joseph et m’explique divers faits au sujet de l’historique du parc, la faune et la flore, avec bin sûr un focus sur la superstar de l’endroit. Les chimpanzés sont répartis un peu partout dans la vaste superficie du parc, de temps à autre il reçoit un message sur son walkie-talkie de la part d’un ranger qui l’informe de l’emplacement d’un primate. Après un tel message, il me dit “Let’s go!” et on s’élance à pas rapides dans un petit sentier.
Le singe est là, assis sur une branche, à huit mètres du sol. J’en suis éberlué, et j’ai un gros sourire idiot dans face. Je le regarde longuement, fasciné par son apparence, son expression faciale et ses gestes si semblables à ceux d’un humain. Genre, les chiens, les chats, etcetera démontrent une certaine intelligence, mais ils se promènent à quatre pattes et poussent des objets avec leur museau comme des handicapés mentaux, vu qu’ils ont pas de mains préhensiles. Le chimp, lui, cueille des feuilles, les regarde pensivement, jette les morceaux trop durs par dessus son épaule avant d’apporter le reste à sa bouche et de le mâcher. Même ce genre de choses, si simples pourtant, me fascinent.
Un autre ranger se pointe avec deux Américaines, des étudiantes à la maîtrise en stage. “Ah, here’s Charlie!” En effet, chacun des primates là-bas a un nom, et tous les employés et stagiaires les reconnaissent.
L’une d’elles a un clipboard et prend des notes, l’autre met des gants de plastique et se met à la recherche d’échantillons de caca. Alors qu’elle est sous l’arbre, elle pousse un petit cri de surprise. Elle aura pas à chercher longtemps, et gratte avec un bâton de popsicle le petit étron que le singe vient de lui domper sur l’avant-bras, avant de le mettre dans une cuvette de plastique et d’écrire la date dessus. Chus sûr qu’il a fait exprès.
On discute un peu, l’une d’elles me raconte une histoire cocasse, elle vient de la Caroline du Nord et un jour qu’elle prenait l’avion, une vieille chipie a vu qu’elle était en train de lire un article académique avec le mot “evolutionary biology” dans le titre et a capoté rare, avant de demander aux hôtesses de l’air si elle pouvait changer de siège pour pas être à côté d’une telle hérétique. Land of freedom.
Joseph et moi continuons notre route, et on croise une maman chimpanzé, marchant lentement à quatre pattes, avec un minuscule bébé sur son dos. Elle est habituée à la présence d’humains, mais le kid me regarde fixement avec un air un peu apeuré sur sa petite face même pas encore poilue. Un couple d’Allemands corpulents est déjà sur les lieux avec une énorme caméra DSLR, je leur fais un signe de tête et un “Hi” et ils répondent en fronçant les sourcils, me voyant sûrement comme un intrus dans leur “expérience culturelle authentique unique”.
La guenon bifurque hors du sentier, Joseph me fait signe de la suivre. Je lui demande si c’est safe, après tout, mon expérience avec des gros animaux sauvages c’est presque juste avec des ours noirs en camping, et je sais qu’il sont peu dangereux à moins que ce soit une mère avec son ourson, mais il m’assure que ce sera OK tant qu’évidemment je garde au moins un mètre de distance. Je m’enfonce dans les bois, qui bien vite deviennent trop dense pour marcher, alors je rampe.
Pendant une minute je les perds de vue, puis je vois la grosse touffe de poils noirs alors je m’approche. Elle est assise en face d’une fourmilière, à plonger une brindille dans les trous pour attraper des fourmis, qu’elle donne à son fils qui les tient entre ses doigts avant de les manger comme des bonbons. Quel magnifique animal! Et j’ai la scène à moi seul, les deux brouteux de schnitzels antipathiques étant bien trop obèses pour aller aussi creux dans le boisé dense.
On verra deux autres chimpanzés, mais ils sont tellement hauts perchés qu’on voit pas mal juste une forme noire dans les feuilles. Je pense pas que rien pourrait battre la mère qui pêche des fourmis, à part peut-être deux mâles alphas en combat à mort, alors je me compte pas mal chanceux et très satisfait de ce détour au Parc National de Gombe.
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