Si tu demandes à un Américain quoi faire à Philadelphie, qu’il soit lui-même de là ou pas, il te dira pas de t’aller te balader dans le centre historique, dans le grand marché central ou alors aller checker la statue de Rocky Balboa. Je te GARANTIS qu’il dira qu’il faut absolument que tu ailles goûter à leur spécialité culinaire, le Philly cheesesteak. Ce mythique sandwich supposément se trouve seulement à Philadelphie, et bien que l’idée d’un sous-marin au boeuf gratiné de fromage semble simple, selon le dogme en place, tu as jamais mangé rien de pareil avant d’aller dans la ville où la constitution américaine a été écrite. Naturellement, ma curiosité était piquée, et j’ai décidé de voir par moi-même quel est le hype lors d’une courte escale là-bas.
Le verdict? Une des pires esties d’affaires à jamais entrer dans ma bouche. 0/10.
Bon. Le premier problème avec le Philly cheesesteak est la totale médiocrité des ingrédients. C’est quasiment une mauvaise joke. Voici en quoi il consiste:
- Pain à sous-marin sec cheap, le genre que tu peux acheter pour 1.69$ le paquet de douze au Super C.
- Boeuf tranché en lanières minces, non-assaisonnées, et cuites sur la plaque tellement longtemps que tout jus en est sorti et gratté dans la gouttière.
- Et pour le fromage, tu as deux choix: soit une tranche de provolone insipide froide, ou du Cheez Whiz. DU CHEEZ WHIZ TABARNAK. Le fucking sandwich le plus prisé en Amérique du nord contient cette morve chimique écoeurante, que le gars puise dans une chaudière avec un gros couteau à beurre.
Et c’est tout. Tu peux aussi ajouter des oignons sautés rendus tout noirs depuis le temps qu’ils oxident dans leur graisse, ou des champignons. Et y a une bouteille de ketchup gommante sur la table. Rien d’autre!!!!! Les Américains tiennent à leur orthodoxie culinaire, et aucun condiment qui pourrait ne fut-ce qu’un p’tit peu sauver cette abomination, genre je sais pas moé, du Tabasco peut-être, n’est permis.
J’avais l’impression que le moustachu de Surprise Sur Prises était pour apparaître à tout moment, et tout le monde pointe les caméras cachées avant que le cook me dise “Haha! C’est une joke! En fait on utilise des pains baguettes frais sortis du four, du boeuf en petits cubes tendrement mariné dans une sauce au vin rouge poivrée, et du mozzarella di buffalo fondu” Parce que ouin, ce sont des immigrants italiens qui ont supposément inventé cette recette. Le pays avec la plus magnifique culture culinaire de toute l’Europe. Si tu présentes ce sandwich mou à un vrai Italien, il va te donner un coup de pied dans les gosses.
Et si c’était juste que ce sandwich est à la limite du mangeable, ce serait pas si pire. Pense à toute la bouffe servie chaque jour dans des snack-bars minables de Repentigny à Manille. Mais comme j’ai dit ci-haut, ce sandwich est une institution, et c’est vu comme un thoughtcrime, voire un blasphème d’exprimer son dégoût. C’est comme aller en Arabie Saoudite et dire de la marde sur Mohammed.
Genre, si un Américain ou un Suédois ou whatever visite Montréal et dit plus tard qu’il a pas trop aimé la poutine, le Québécois moyen (ou le Canadian appropriateur culturel) va juste hausser les épaules et dire de quoi du genre “Ouin, c’est sûr, c’est gras et c’est pas tout le monde qui trippe sur la texture”. Mais va dire à un Américain que tu as pas aimé leur fiasco suintant de Cheez Whiz, et il va écarquiller les yeux, regarder aux alentours d’un air nerveux pour s’assurer que personne avec une tuque des Flyers ou des Eagles t’a entendu, avant de te demander:
“C’est où que t’es allé?!”
“Gino’s, je pense”

“Aaaaaaah, t’aurais dû aller à [bleh], c’est bin meilleur là-bas. Y a juste des tourisses qui vont au Geno’s.”
“Euh, j’étais avec six ou sept chums, qui viennent tous de Philadelphie, à part un qui est un transplanté, je crois. Ils ont tous dit que c’est leur spot préféré. En plus y avait des photos de toutes les célébrités qui y sont allé sur le mur, et pas des B-lists… genre Mick Jagger, Michael Jackson, toutes les présidents américains. Et y avait aucun autre touriste dans place.”
“Dans ce cas-là, t’as dû mal le commander”
Heille tabarnak de calisse!!! Chus un adulte, pis je parle anglais, chus capable de me commander à manger, calisse de saint-sacrament de ciboire de crisse. Et là se situe le plus gros problème avec l’expérience Philly cheesesteak… Pas la médiocrité intrinsèque du sandwich même. Pas son énorme réputation dont il mérite pas une miette. Pas même la dissonance cognitive dont le peuple américain au complet fait preuve à son égard, et le refus total d’admettre que y a des gens qui peuvent pas aimer ça sans commettre d’hérésie. Non, le plus gros problème est qu’il existe un sacrament de protocole pour commander ton sandwich. Tu me crois pas? Checkons la page WikiVoyage au sujet de Philadelphie:

Donc, selon ces morons, il faut pas que d’autres mots sortent de ta yeule à part le type de fromage, et “with” ou “without” pour exprimer si tu veux des oignons ou pas. Tu vas au comptoir, et sans un “Salut” ou un “Pourrais-je avoir…”, tu dis “Whiz with”. Crisse, on est-tu rendu des hommes des cavernes simonaque?!
Ils vont te dire “Oh, c’est un restaurant de classe ouvrière, c’est pour ça qu’il y a pas de flafla” Ouin… un working class snack bar où ton repas de junk food te coûte 12$ (je l’ai pris en duo avec une canne de bière, pas mal la seule chose de bien dans cet endroit).
Et supposément aussi que durant les heures de repas y a toujours des files qui finissent pus dû au hype dont j’ai moi-même été victime, ce qui fait que commander avec des grognements va accélérer le service.
OK certes.
Mais il est 11 heures du soir quand on y va, je suis le premier en file, alors j’y vais d’un “Hey how’s it goin’? Can I have it with provolone, and with the onions please?” Le gros tatoué patibulaire semble pris au dépourvu par ma diarrhée verbale et mes formules de politesse amicales mais fait un signe de tête et montre pas d’hostilité alors qu’il éffouaire ma pile de boeuf en tranches pour être sûr que tout le jus en sorte et qu’aucune saveur ne reste dedans.
Mes compagnons eux, suivent le protocole à la lettre. “Whiz wit”. “Provolone, wittout”. “Whiz, wittout”. L’un d’eux me dit que pour aller avec l’accent des italo-américains d’autrefois, tu es pas supposé prononcer le “th” à la fin de “with”, ce qui explique pourquoi ils prononcent ce mot à la Georges St-Pierre. En tant que Québécois qui n’a maîtrisé que cette petite consonne fifonne à la fin de mon adolescence et au prix de nombreuses heures de pratique, j’ai le goût de pleurer.

Quand c’est son tour, une des filles de la gang hésite. “Do I want the onions?”, murmure-t-elle. “WELL MAKE UP YO’ DAMN MIND. I AIN’T GON’ AKS YO’ TWICE, YO’ WANT DA ONIONS OR NOT?!” Elle a beau être la dernière en ligne, sa seconde d’hésitation lui vaut de se faire gueuler après par le crackhead à la caisse. C’est à peine si il a pas ajouté un “BITCH!” à la fin de sa tirade.
Et que fait-elle? Est-ce qu’elle l’envoie chier, et sort en criant qu’elle reviendra pus jamais dans cet endroit? Est-ce qu’au moins elle lui dit de pas lui parler comme ça? Non. Avoir un service de marde fait partie de l’expérience. Les autres en rient et disent que ça leur arrive souvent. Moé je trouve pas ça drôle pantoute. Ça fait partie de l’expérience de Philadelphia like a local, et qui peut se surprendre d’un tel masochisme de la part des habitants d’une ville si laitte, si brune, qui sent les vidanges, où même à peine 6 heures du soir passées tu te fais harceler par des drogués pour du change, mais où l’immobilier est deux fois trop cher?
Rendez-vous service et skippez ça complètement. Supposément que Philadelphie a la meilleure bouffe vietnamienne du pays, sinon y a aussi une énorme variété de charcuteries et de cuisine amish au Marché Central qui vaut la peine d’essayer. Fuck the Philly cheesesteak.
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