Le safari

Je suis arrivé à l’aéroport de Nairobi au milieu de la nuit, j’ai reçu mon visa à l’arrivée sans problèmes (un gros 50 USD) et j’ai rencontré le chauffeur dans le hall. J’avais réservé un safari avec une agence de voyage et profitais volontiers de leur lift gratuit à partir de l’aéroport.

En faisant du small talk, je lui ai mentionné que je vivais et travaillais en Chine, et il a enchaîné sur le sujet controversé et de plus en plus omniprésent du Pays Jaune et de sa présence en Afrique:

“Il y a beaucoup de Chinois ici. Cette route a été construite par une entreprise chinoise, en fait”, a-t-il dit en désignant l’autoroute lisse sur laquelle nous roulions. “Ils construisent de nombreuses routes dans toute l’Afrique, et même un train rapide en Éthiopie. Il est question de relier Nairobi à Addis, mais ça pourrait prendre des années.”

“Pis qu’est-ce que la population locale pense d’eux?”

Il a contemplé la route déserte devant lui pendant quelques secondes puis a répondu “Ça dépend. Ils contribuent au développement de notre pays et à l’ouverture des marchés, mais ils ne créent pas beaucoup d’emplois. Ils ont tendance à embaucher leurs propre monde. Mais ils sont polis et restent entre eux.”

C’est un point de vue plus nuancé que beaucoup de médias ont. J’ai profité de ses connaissances évidentes, de son sens de la perspective et de son anglais parfait à travers notre conversation légère et agréable, et au moment où on arrivait en ville, j’avais déjà accumulé pas mal d’informations sur la place et ses habitants.

J’ai dû attendre quelques heures dans le hall d’un hôtel jusqu’au matin, quand un autre char est venu me chercher. Sur le siège arrière se trouvaient deux de mes compagnons de safari à venir, Mikey de Seattle et Emilie de Copenhague. Mikey est un charpentier dans la cinquantaine, très col bleu, avec une voix forte et des gros avant-bras poilus. Il venait de finir un contrat de construction lucratif en Norvège et a décidé d’aller en Afrique pour le fun, et montrait des photos de sa visite au Maroc (son premier arrêt) à la hipsteure scandinave cute et à moi.

Rendus là, il faisait clair dehors, j’ai donc pu faire mes premières vues sur l’Afrique urbaine. J’avais pas beaucoup d’opinion d’un bord ou l’autre, à checker le panorama qui défilait à travers ma fenêtre. Ça avait l’air soit tout délabré ou assez développé, alternativement, parfois les deux à la fois. Des buildings commerciaux fades pas bin différents de ceux qu’on voit aligner la périphérie de toutes les villes nord-américaines étaient entrecoupés de bidonvilles, et les véhicules allaient des grosses bagnoles allemandes flambant neuves aux vieux trucks maintenus ensemble par du duct-tape et émanant de la grosse boucane noire opaque. Le trafic du matin battait son plein, et ça a pris un certain temps avant qu’on prenne une vitesse décente et qu’on atteigne les collines de la campagne.

On s’est arrêtés dans un petit restaurant au sommet d’une colline pour prendre une bouchée et unir nos forces avec les autres amateurs de safari: un couple des Pays-Bas et un autre couple du Nigéria, en lune de miel à l’est de leur continent natal. Ce seront pas mal les seuls touristes “domestiques” que je verrai tout au long de mon voyage.

Les sept d’entre nous plus deux chauffeurs/guides se sont paquetés dans une petite vanne de safari carrée et on a continué. En début d’après-midi, nous étions aux portes du célèbre parc national du Maasai Mara.

J’ai été surpris par le peu de niaiseries impliquées: pas de long briefing plate, pas de paperasse sans fin, le guide est juste allé dans une petite cabine de garde forestier et est revenu une minute plus tard avec le feu vert, puis en une minute ou deux, on conduisait à travers la savane, parmi les troupeaux de wildebeest (je pense ce sont des gnous en frança) et de zèbres.

Un vrai safari africain, qui a pas ça sur sa bucket list sti?! J’avais anticipé ce moment pendant des années, le recherchant en ligne pendant des mois, l’attendant avec impatience depuis des semaines, et j’étais rendu là, tout fébrile! Tout doute persistant quant à savoir si ça vaudrait ou non le prix de 300$ (quatre fois le salaire mensuel national moyen… hmmmm…) s’est évaporé dès que j’ai vu les premiers animaux errer. J’étais en Afrique juste depuis 8 heures aussi, ce qui a ajouté à la fascination.

Bin sûr, la vue des zèbres rayés et des gnous était déjà impressionnante, surtout par leur nombre, mais c’était juste un apéritif. Bientôt, on est tombés sur des girafes, des buffles, des éléphants, des rhinocéros, des antilopes, des oiseaux bizarres et d’autres animaux africains que j’avais regardés dans des livres et des documentaires quand j’étais jeune. J’ai toujours été un amoureux des animaux et un fan des zoos, mais l’ambiance de certains zoos peut parfois être un peu triste, avec toutes les pauvres bêtes enfermés dans des cages trop petites et détestant clairement leur vie de marde, ce qui diminue mon plaisir. Mais là, lors d’un safari, les animaux errent librement et c’est toé qui est coincé dans une cage en mouvement.

Aucun grand prédateur était visible: ils dormaient quelque part, et on les verrait le matin du deuxième et du troisième jour. J’avais bien hâte.

On s’est retirés dans notre camp, où on nous a montré notre logement pour les deux prochaines nuits. J’allais partager une tente avec Mikey, le charpentier de Seattle. Ça avait toutes les commodités que vous pourriez souhaiter: des bons lits avec un matelas épais et confortable, un moustiquaire et des couvertures pour résister à la nuit froide de la savane, ainsi que des toilettes et une douche, dans un petit cube en béton attaché à chaque tente.

Ils nous ont avertis de garder les fenêtres et les portes fermées en tout temps, sinon des singes vont venir voler notre shit.

La nourriture était servie sous forme de buffet dans une grande cabane, avec les autres groupes de touristes européens et asiatiques. J’ai acheté une bouteille tiède de Tusker, ma première bière sur le continent africain, j’ai bu au début d’un voyage réussi et je me suis éffouairé peu après, épuisé par ce qui avait été une journée plutôt longue.

Le lendemain, c’était aussi un safari complet. Plus on s’enfonçait dans le parc, plus les troupeaux étaient gros: à un moment donné, on devait bin être entourés de milliers de gnous et de zèbres, se promenant ou grignotant paresseusement le gazon. J’avais fait mes devoirs et je savais qu’en été, la majorité des animaux se trouvaient au nord de la rivière et que, pendant les mois les plus froids, ils migraient vers le sud en Tanzanie, dans le parc adjacent du Serengeti. Les meilleurs moments pour visiter sont apparemment en avril et octobre, lorsque les animaux migrent en grand nombre, et ça ressemble à la scène du stampede dans Le Roi Lion.

Le temps était parfait, le paysage magnifique et la jasette avec les autres touristes, le guide et le chauffeur devenaient de plus en plus divertissantes à mesure que la glace se brisait. C’était une journée bien amusante.

On a également pu voir des choses encore plus cool que la veille, comme des buffles qui se sacrent des coups de tête, des hippopotames qui chillent dans une rivière et toute une meute de lions. Les bébés lions sont cutes à mort. Chaque fois que quelque chose hors de l’ordinaire était repéré, le guide prenait son walkie-talkie et le diffusait sur tout le réseau, et en quelques minutes, des dizaines de vannes de safari convergeaient sur place. Certaines étaient des petites fourgonnettes rouillées comme la nôtre, d’autres étaient des Jeeps ou des Range Rover flambant neufs avec un seul touriste VIP à l’intérieur, en linge de randonnée haut de gamme et brandissant un appareil photo DSLR avec un zoom aussi gros qu’un Subway de douze pouces.

Dans un de ces cas-là, on était les premiers sur place à passer l’appel. Un vieux lion était couché sur le flanc à l’ombre d’un arbre, apparemment endormi. Comme l’a montré le guide, cependant, il était en fait blessé et mourant, avec un gros gash saignant sur le haut du thorax, juste en-dessous de l’aisselle. Une partie de moi s’est sentie désolée pour lui car il souffrait clairement, mais j’admirais aussi la gazelle ou le gnou qui a réussi à l’encorner. La savane est un endroit brutal et les prédateurs gagnent pas toujours.

Debout à fuck-you-o’clock pour notre dernier jour de safari. Emmitouflés dans nos vêtements les plus chauds et grelottant dans le frette assez surprenant de début juillet dans la savane, on a sauté dans la camionnette alors qu’il faisait encore nuit noire dehors. On a navigué un peu en regardant le soleil se lever lentement sur les collines, ce qui était magnifique en soi. Même si on était pour pas voir un seul animal, le paysage de savane, avec ses pentes douces et sa végétation minimaliste composée de grasslands et d’imposants baobabs espacés, me charmait. Puis on s’est arrêtés pour observer toute une meute de lions, environ cinq adultes, deux adolescents et un groupe de petits chatons grignotant une carcasse de gnou pour déjeuner.

C’était assez cool, mais après cela, j’ai senti que j’étais vraiment animaled-out et prêt à faire autre chose. J’avais plus de six semaines en Afrique devant moi et j’avais très hâte de voir ce que ce magnifique et tragique continent a à offrir à un jeune voyageur intrépide. J’ai dit au revoir à mes compagnons de safari (je rendrai visite à Mikey à Seattle quelques années plus tard et grâce à son hospitalité je passerai un crisse de bon moment dans la ville pluvieuse) et j’ai sorti de la voiture alors qu’elle atteignait Kinoo, une banlieue ouest de Nairobi.

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