Lors de mon dernier voyage en Amérique du sud, j’étais pas allé aux chutes d’Iguaçu/Iguazu, mais cette fois c’est sur notre chemin. On sort de notre autobus de nuit en provenance de Florianópolis, frottant nos yeux pleins de dormu, et on marche le 3-4 kilomètres qui nous sépare de la ville, question de se dégourdir les jambes un peu.
Foz do Iguaçu est pas une ville qui donne une bonne première impression, je sais pas si c’est parce que c’est l’hiver, mais tout est fermé et barricadé. Après avoir déposé nos choses dans notre chambre, on va manger à pas mal la seule place qui semble ouverte en ville, le genre de buffet que les Brésiliens aiment tant et qui sert de la bouffe un peu drabe mais satisfaisante, pesée au kilogramme. Après ça on saute dans l’autobus numéro 120, qui nous emmène jusqu’au parc national.
Avant d’aller aux chutes, on passe par le Parque das aves, un petit zoo dont j’ai entendu du bien, avec une grosse trallée d’espèces d’oiseaux de tout le continent sud-américain. Flamands roses, toucans, perroquets, tout ça. Certains des enclos, on peut même entrer dedans, et les oiseaux nous volent autour. Les gros perroquets bleus sont particulièrement mange-mardes et semblent prendre un malin plaisir à voler en piqué à deux pouces de la tête des gens. J’adore les petits dinosaures à plumes de tous genres, en fait j’avais quasiment plus hâte de visiter ce zoo que d’aller aux chutes même, et j’en sors pas déçu.
Pour les chutes, il y a trois catégories de prix régulier: les citoyens brésiliens, les Sud-Américains, et les sales étrangers. J’essaie d’obtenir des billets pour Brésiliens, mais la dame derrière le comptoir voit au travers de mon subterfuge et dépité, je me vois forcé d’acheter les billets pour gringos. C’est quand même très raisonable, une vingtaine de piasses chaque.
Puis on fait la file pour quelques minutes avec une gang de péquenots, avant de se faire ramasser par un bus à deux étages qui va nous emmener dans le fin fond du parc, où les chutes sont. On se grouille pour essayer d’avoir des sièges en haut, pour avoir une meilleure vue, mais finalement le bus roule juste sur une route entourée d’arbres et non seulement on voit rien, mais on se les gèle, vu qu’y a pas de fenêtres. Mauvaise décision.
On arrive aux chutes, et tout le monde fait des “Ooooouh!” ou “Aaaaah!” ou autres onomatopées. Moi je veux pas faire mon gros esti de blasé mais ma première impression c’est qu’elles sont bin plus petites que ce que j’imaginais, mais c’est juste parce qu’on est un peu loin et qu’en fait l’immense attrait de ces chutes c’est pas leur grosseur même, mais le fait qu’il y en a un méchant paquet. Les chutes du Niagara c’est juste un seul gros mur d’eau, alors qu’Iguaçu est une grosse superficie avec plein de chutes éparpillées partout.
On descend au sentier en contre-bas, où là ça devient plutôt impressionnant, culminant avec le point avec une excellente vue sur le Garganta del Diablo, où tu peux marcher sur une plateforme en métal et te faire arroser un peu. Des bonhommes vendent des imperméables en plastique que les gens utilisent pour deux minutes puis les jettent dans un gros conteneur, à l’ère où on se fait achaler par des hippies quand on utilise une paille.
Le côté brésilien prend juste une heure ou deux, et on dit au revoir aux chutes, qu’on reverra de l’autre bord le lendemain.
***
La journée commence plutôt mal. On prend le bus écrit “Argentina” dessus, et arrivés à la frontière, la conductrice demande si y a des gens qui ont besoin d’aller à la police fédérale. Ma douce, moi-même et un Français quelconque descendons, et les autres restent dans le bus, puisque les citoyens du Brésil, de l’Argentine et du Paraguay peuvent traverser autant qu’ils veulent sans se faire étamper. Faire les procédures de sortie prend deux minutes, et quand on sort du poste frontalier, l’esti de sacrament de bus a décalissé sans nous. Il aurait pu attendre, messemble.
Un autre bus se pointe, on montre nos billets au chauffeur et il nous dit qu’ils sont pas valides.
“Pourquoi sti? L’autre gars a dit que ce billet est pour le trajet au complet, jusqu’à la station d’autobus de Puerto Iguazu”
“Ouin mais c’est une autre compagnie. Leur prochain bus sera ici dans une heure, si y sont pas en retard comme d’habitude”
“Si on achète un billet pour ton bus, vas-tu nous abandoner au poste-douane argentin?”
“Bien sûr que non. Je vais vous attendre.”
Vendu. C’est mieux de payer un autre 8 piasses que de rester là à attendre et haïr la vie.
Le petit monsieur tient parole, et après avoir reçu notre étampe dans la roulotte qui sert de poste-frontière pour l’Argentine, on rembarque et quinze minutes plus tard on débarque dans le centre poussiéreux et crasseux de Puerto Iguazu. Comme à chaque fois que j’arrive dans un nouveau pays, je check autour, un peu fasciné par les petites différences et nouveautés. Une chose que je remarque est qu’il y a pas mal d’Amérindiens, alors que je pense pas en avoir vu un seul en trois semaines au Brésil. Le niveau de développement est aussi pas mal moins haut que ce à quoi je m’attendais d’un pays riche comme l’Argentine, mais comme ma douce me fait remarquer, on est dans une ville frontière, et c’est rare que ce genre de villes là donnent une bonne impression du reste du pays.
Il nous faut des pesos, alors on descend la rue principale jusqu’à la banque, et c’est comme si je venais de me faire donner un coup de pied dans les gosses. Quand je voyage, je retire les plus gros montants possible question de minimiser l’impact des frais de guichets, mais ce guichet a une limite de retrait de 4000 pesos (91 CAD), avec des frais de FUCKING 463 PESOS ASTI DE SACRAMENT. Je sors ma carte en sacrant et vais à la recherche d’une banque qui est moins de la grosse marde purulente que ça.
Banco de la Nación est deux blocs plus loin, et après avoir fait la file un bon dix minutes, je constate avec un gros déplaisir que leur limite est également un pitoyable 4000 pesos, mais que leur frais pour ma carte étrangère sont juste 263. Quand même 7%, en plus du 5 piasses que la Banque Nationale me charge. Fuck you, esti d’Argentine sale. Au moment où j’écris ces lignes, j’ai pu visiter plusieurs places au pays et tomber en amour avec beaucoup de ses aspects, mais ses guichets automatiques sont les pires tabarnaks du monde entier et je tiens à ce que le monde le sache.
Je considère brièvement d’aller m’essayer à un autre guichet, mais je me dis que ce sera sûrement la même tabarnak d’affaire ou pire, et qu’on a pas que ça à faire aujourd’hui. Alors je sors 12 000 pesos en trois retraits, appuyant sur le bouton “Si” quand ils me demandent si j’accepte de me faire fucking crosser de 263 de plus, et en lâchant des sacres de plus en plus fort à chaque fois, ce qui attire l’attention d’un patibulaire garde de sécurité qui vient faire ses gros bras et me demander si il y a un problème. Oups, j’oublie parfois qu’on est pus à Longueuil.
(Un des aspects positifs qui en sont sortis est que j’ai appelé la Banque Nationale et que j’ai trouvé moyen d’enlever mes frais de 5$ à chaque transaction étrangère en adhérant à un forfait premium dont j’ignorais l’existence, reste que tout ce que je payais cash en Argentine, je me suis trouvé à le payer 7 ou 8% d’extra, à cause de leurs guichets de crosseurs de tout-croches)
Ça commence bin en esti.
Mais bon. C’est fait, c’est fait, et à y penser deux ou trois secondes, y a des bin pires choses dans la vie. Le moral remonte alors qu’on remonte la pente vers la gare, et on va se gaver dans un buffet pas très différent de son équivalent brésilien, à part que ma grosse bière est une Quilmes au lieu d’une Brahma.
Bien repus, on va trouver notre hôtel, ou plutôt la petite maison où un couple âgé sympathique nous loue une chambre. Le monsieur est bien bavard, et pendant que Zhuzhu se change et se remaquille, je lui fais la conversation. Au début c’est un peu laborieux de parler en espagnol après trois semaines de portugais, mais peu à peu ça me revient. Ce qui aide vraiment pas est le fait que ces deux maudites langues sont tellement semblables, mais aussi plein de différences, alors les compartiments qui les contiennent dans mon cerveau arrêtent pas de se mélanger.
Encore une fois, il faut prendre un bus pour le parc national, qui est presque vide. Avec tout ce fuckaillage de transport et de banques, on est rendu solidement en après-midi, et j’imagine que la plupart du monde qui va voir les chutes y va plus tôt. J’espère juste qu’on aura assez de temps.
Comme la veille, j’essaye d’acheter des billets pour Argentins au tiers du prix, et me fait rire dans la face. Faut je travaille sur mon accent.
Première jolie surprise, dès qu’on a passé la guérite, un petit train cute nous attend, à aire ouverte avec des petites banquettes de bois. On y prend place, et peu après il se met en marche et nous emmène au début du sentier piétonnier. Des centaines de touristes sont assis dans la foire alimentaire à bouffer leurs sandwiches ou leur junk-food, et circulant parmi les tables, un des animaux les plus étranges que j’aie vu depuis longtemps: le coati, un espèce de raton-laveur avec un long nez. Des pancartes partout avertissent de pas les nourrir, et les gens obéissent, quoique évidemment les coatis semblent bien nourris, avec toutes les frites qui tombent à terre. J’imagine juste si la place était infestée de touristes chinois au lieu de Sud-Américains, comment il y aurait des morons à la bouche ouverte qui leurs garrocheraient allègrement pas juste du manger, mais aussi des roches et des cennes noires et des coups de pieds.
Le sentier lui-même est assez bondé aussi, et rendus sur le bord de l’eau, c’est pire, au point qu’on se fait prendre dans des bouchons à quelques reprises. Je dirais pas que ça “ruine notre visite” parce que ce serait idiot, mais ça fait quand même un peu chier d’être pris dans un bain de foule quand on vient checker un peu la nature. Mais bon, l’ironie de se plaindre du nombre de touristes alors qu’on est soi-même un touriste a déjà été pointée par le premier chroniqueur de voyage en, genre, 1780, alors pas besoin d’élaborer là-dessus. J’essaie juste d’imaginer comment c’est en haute saison, au lieu du milieu de l’hiver, et me dis qu’on est somme toute chanceux.
Surtout que la vue sur les chutes est à couper le souffle, et que le sentier est bin plus long que du côté brésilien. On se tape les deux routes, la basse et la haute, qui surplombe une des chutes avec une passerelle, où tu peux regarder en bas et voir l’immense volume d’eau blanche qui y passe.
On retourne en ville, et on se promène un peu. Quinze minutes de marche nous emmènent à la triple frontière, où la rivière fait un T avec le Brésil en face et le Paraguay de l’autre côté. Pas grand chose de si spécial, mais l’endroit est quand même un site touristique mineur, avec des hippies et des Amérindiens qui vendent de l’artisanat et des friandises. Je suis pas mal plus intéressé par le bar en contrebas, sur le bord de l’eau, où on se clanche deux litres de Quilmes en regardant le ciel devenir gris, puis noir. J’ai le sourire dans la face, c’est un véritable bar de Latinos comme ceux avec lesquels chus tombé en amour au Nicaragua, avec sa décoration minimaliste ou absente, des tables en plastique avec exclusivement des bonhommes, pas de bouffe à part des empanadas, une grosse TV avec une game de soccer, de la musique cumbia qui joue, et en bonus, une barmaid pulpeuse à souhait.
Ensuite on retourne au centre-ville, qui donne une bien meilleure impression une fois la nuit tombée, et qui grouille de monde. On va manger une pizza, qui s’avère médiocre, et croyez-moi quand je dis que chus pas difficile pour ce qui est de la pizz’. Leur croûte est trop dure et leur fromage trop liquide. Plusieurs observations futures vont mener à la même conclusion, les Argentins savent pas faire de la bonne pizza, ce qui est surprenant, vu qu’une grosse partie de leur population est composée d’Italiens qui ont fui la pauvreté (ou les persécutions d’après-guerre, ahem). Elle est mangeable pareil, et avec le bon service, l’ambiance frénétique mais feutrée du resto, et le fait qu’on a payé 25$ avec une calvince de grosse assiette de viande froides et fromages et une bouteille de vin blanc, on peut pas battre ça. Il reste quelques pointes, qu’on fait emballer et qu’on mangera dans le bus pour Rosario le lendemain. Et ainsi s’achève notre première journée en Argentine.
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