American Samoa est pas une destination de voyage sur la map à bien des gens. Pour commencer, c’est même pas un pays, comme le nom le dit, le territoire appartient aux États-Unis, mais c’est pas un état. Et en plus, c’est en plein milieu de l’Océan Pacifique. Après mon séjour à Samoa (aussi appelé Western Samoa, ou Independent Samoa), je me suis dit que j’irais faire un petit tour chez son voisin, question surtout de voir si c’est plus American ou Samoan.
Le verdict? Ça me prend une minute à peine, c’est le deuxième all the way. Le bateau arrive au port, et chus loin d’imaginer que j’entre en territoire américain, on est clairement dans un petit bled perdu au fin fond de l’océan. Déjà, y a que des Polynésiens à bord et sur le quai, chus le seul blanchâtre à un kilomètre à la ronde.

D’ailleurs, un des nombreux faits cocasses à propos de American Samoa, ils sont à l’extrémité de la ligne de changement de date, de l’autre bord de Western Samoa. Ça fait que j’ai pris le traversier à 11h du soir le 5 novembre et chus arrivé… à 5h du matin le 5 novembre. J’ai donc eu deux 5 novembre 2015. Autrefois, les trois îles samoanes étaient du même bord, mais Western Samoa a changé pour être sur la même date que l’Australie pis la Nouvelle-Zélande, leurs plus gros partenaires économiques. Apparemment ça a fait chier leur compatriotes sur l’île occupée par les Amarécains, et de ce que j’ai compris durant mon séjour, ils s’aiment pas bin bin entre eux, même si ils parlent la même langue et sont de la même ethnie de gros costauds bruns qui aiment le coconut et la friture.
Donc comme j’ai dit, avec la gang de Polynésiens en jupe colorée partout autour de moi, l’air marin, les shacks, et la grosse montagne couverte de forêt tropicale en face de moi, c’est un endroit assez dépaysant. En fait, les choses “américaines” rendent la place encore plus bizarre, comme les pancartes avec US Department of Border Control, les dollars US, et le fait que le gars qui contrôle mon passeport porte une chemise blanche avec une patch des douanes américaines… mais en bas de la ceinture, a un lava-lava (une jupe colorée) noué autour de la taille, et est nu-pieds!
Une des maisons pas loin du port a un carton dans la fenêtre avec ROOMS écrit dessus, je vais enquérir, et ils me louent une chambre pour 25 piasses la nuit. C’est pas un hôtel ou rien, j’ai une chambre à coucher vide, et il faut que je passe dans leur salon pour y aller. Je dis allo aux mononcles et matantes assis là, ils m’invitent à m’asseoir et on jase un peu.
“Where in the mainland are you from?”
Chus un peu pris au dépourvu par leur question, je leur dis que chus pas américain, mais que je viens du Québec.
“Ah ouin? Ma fille est dans la police militaire et est au New Hampshire astheur, c’est pas loin de chez vous hin?”
Les American Samoans sont dans une drôle de situation politique, ils ont pas le droit de vote et leur congressman est nominé par Washington, mais ils peuvent aller aux États-Unis sans aucune restriction et s’y installer, et aussi de servir dans les forces armées, ce qu’une méchante grosse gang d’entre eux fait. En fait c’est quasiment un rite de passage, quand ils deviennent adultes ils vont faire quelques années dans l’armée ou la marine, question de sortir de l’île un peu.
Faque y a pas mal de t-shirts et de casquettes avec VETERAN dessus, et des stickers SUPPORT OUR TROOPS sur quasiment tous les pick-ups. Mon dernier soir que je suis là, je suis assis sur le perron à boire une bière, et l’ado de la maison, avec sa gang de chums, s’assisent autour de moi et me demandent des questions et des conseils. Ils partent pour leur boot camp dans quelques mois, et ont appris que j’ai fait quelques années dans l’armée il y a un bout, alors je suis content de leur jaser ça un peu.
American Samoa a une grosse base militaire, mais elle est un peu loin, proche de l’aréoport. Sinon, Pago-Pago (la capitale au nom rigolo, leur seule véritable ville même si c’est juste deux-trois rues et aucun building de plus de quelques étages à part une énorme usine de cannage de poisson) a peu d’attractions touristiques, il faut sortir un peu. Presque tout le monde a un pick-up, mais il y a quand même un peu de transport en commun, sous la forme de vieux bus scolaires tout décrissés et couverts de peinture multicolore, qui coûtent une piasse, peu importe tu vas où.

Je vais jusqu’à l’extrémité la plus à l’est de la grosse île, et je pogne un lift avec une chaloupe pour aller sur la petite île de Aunu’u, et son cratère. Un jeune gaillard bâti comme un joueur de la NFL me donne un poteau de clôture, pour repousser les chiens enragés qui sont une plaie dans ce coin-là.
Puis le lendemain je prends un autre bus pour l’entrée du parc national, avec des pics assez dramatiques qu’on peut grimper. C’est une méchante tabarnak de montée, des bouts il faut y aller avec une échelle. J’arrive à un belvédère et je me repose un peu, un couple de blanchâtres est assis là, et on se met à jaser un peu. Ils sont néo-zélandais, et sont venus avec leur voilier, qu’on peut voir ancré au milieu de la baie en contrebas. Ils me disent que ça fait deux semaines ils sont là, et que je suis le seul touriste qu’ils aient croisé, les autres rares Blancs étant des soldats américains.

J’arrive au sommet, puis je descends des pentes à pic en saint-toton, espérant pas glisser et me casser de quoi. Finalement le sentier arrive proche d’un village en bordure de mer, mais une gang de chiens me bloquent le chemin. Ils veulent vraiment, mais vraiment pas me laisser passer, et dès que j’amorce un mouvement vers eux, ils se mettent à grogner de manière très fucking menaçante.
Je regarde le sommet d’où j’arrive, à plus de 2000 pieds, il est aucunement question que je remonte. Il faut que je trouve moyen de tasser cette gang de bêtes, c’est pus drôle. Il y a une pile de coconuts tombés d’un arbre, j’en ramasse un et je le garroche, les chiens se dispersent, mais reviennent aussitôt, deux fois plus en calisse qu’avant. Je répète l’opération, mais ça avance pas. Alors je check aux alentours si y aurait pas une branche assez épaisse et menaçante que je pourrais utiliser comme bâton, mais y a à peu près rien à part des lianes et des brindilles. Je commence à désespérer.
Puis quelque chose de cocasse arrive. Je lance une autre grosse coconut, et dès qu’elle prend son envol…
…un pick-up émerge dans mon champ de vision, entre les arbres…
…et la noix de coco, après un rebond, frappe la carrosserie du camion. BONK.
“Ah fuck! Qu’est-ce que je viens de faire là?”
Une madame de 450 livres sort du véhicule, regarde curieusement aux alentours, et me voit dans le sentier. Je lui crie que je m’excuse, j’ai pas fait exprès, je veux juste disperser les chiens. Elle prend un long bâton dans la boîte du pick-up, fait des “Tsssk!!! Tsssk!!!” et me claire un chemin. Je la remercie à profusion et m’excuse de nouveau, elle rit et dit que c’est pas un problème. Je traverse le village en vitesse, sous le regard hostile de tous ces maudits chiens de marde.

Puis je retourne à Pago-Pago sur le pouce, avec un monsieur aux cheveux gris qui a été à la première guerre d’Iraq. Affamé, je vais me gaver dans un buffet où ils te donnent un contenant de styrofoam de grosseur variable, et tu le remplis toi-même dans les bacs de poulet frit, de poisson frit, de crevettes frites, de patates frites, de racines bizarres frites, et d’autres cossins, frits bin sûr. Il y a aussi du riz et du spaghetti sans sauce.
Au troisième jour, j’ai un vol pour Hawaii en soirée, et je prends le bus tôt en après-midi, vu que j’ai rien à faire et qu’on me dit que les bus pour la partie ouest de l’île partent très infréquemment et prennent une éternité, vu que le chauffeur prend plein de détours pour déposer les passagers dans leurs villages. Et ça s’avère être une excellente idée, je me trouve à passer devant une école secondaire, où un match de football est sur le point de commencer, contre l’autre école secondaire de l’île. Je paye le $2.00 pour mon billet et m’assis dans les estrades avec une gang de grosses madames qui crient des encouragements à leurs kids couverts d’épaulettes et casqués qui se rentrent dedans sur le terrain.

À Fiji et Samoa et Tonga, les gens jouent au rugby, mais à American Samoa, le football a pris le dessus. L’aréoport est visible au loin, et je m’y rends à pied. Ainsi se termine mon séjour dans cette île assez spéciale merci.
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