Je débarque du bus en provenance de Yerevan et je suis la direction que me pointe le chauffeur. Pas comme si il y avait une autre route, et que le Lac Sevan soit pas visible, à quelques centaines de mètres en bas de la côte.
Vu que leur pays est landlocked, les Arméniens en vacances et en manque d’activités de plage se rendent au Lac Sevan. C’est plutôt joli de loin, avec les collines vertes qui l’entourent, la plus proche surplombée d’une église en roche. En m’approchant, je croise quelques groupes de jeunes et des familles (un gros pôpa poilu, une môman qui l’est presque autant, et leurs kids avec déjà un duvet noir sur leurs bras et leurs faces).

Ça semble être un environnement assez convivial, mais je passe proche de m’enfarger sur une grosse carcasse d’animal, au milieu du chemin. Le gros chien ou la chèvre semble être là depuis un bout, à en juger par son état de décomposition. La colonne vertébrale et le crâne sont juste des os tout noircis, avec une patte quasiment intacte et couverte de poil brunâtre, les autres membres dieu-sait-où. Bienvenue au Lac Sevan!
C’est pas une place sur la mappe à bin des touristes, à en juger par la réaction des gens qui me regardent curieusement. Comparé aux plages de la Turquie et de la Géorgie c’est rien de bin spécial, et aussi à cause de “l’économie en voie de rétablissement” (un euphémisme pour dire que le pays est tout décrissé depuis que les Russes sont partis), bin la station balnéaire a peu de glitz et glamour, disons.

Pas que ça me dérange bin bin. J’aime les endroits bizarres. Ça veut aussi dire que les gens me crissent la paix, y a pas de rabatteurs fatiguants qui passent leur journée à harceler les touristes étrangers, et aussi c’est pas cher pas cher. Tu peux louer un bungalow pour la somme ridicule de 40 piasses la nuit, une méchante aubaine si tu viens en groupe, comme la majorité des locaux font. Tu peux aussi te loger dans un conteneur océanique avec des fenêtres et une porte coupée dans la tôle pour une vingtaine de dollars, ou si tu es un des 0.1% de weirdos qui se rendent là seul, il y a un hôtel soviétique futuristique à flanc de colline avec des chambres pour moins de cinq piasses.
Ou en tout cas, j’imagine il était futuristique quand ils l’ont bâti, avec sa forme triangulaire arrondie (comme une goutte d’eau), ses grosses baies vitrées, et la palette de couleurs straight d’un vidéo de rock n’ roll psychédélique de hippies, mais il a pas dû recevoir de maintenance depuis que Staline est mort. La chambre est propre alors ça me va, et ils ont le déjeuner d’inclus, du thé, des toasts et de la confiture, que je mange à chaque matin avec la seule autre cliente de l’hôtel, une madame russe âgée excessivement polie. Elle parle aucune langue à part la sienne, faque je sors mon livre de poche Lonely Planet et je discute avec, utilisant les mots que je connais et puisant dans les pages du livre pour ceux hors de ma portée.
En tout j’ai passé trois jours là, à prendre des marches dans les collines environnantes, nager un peu, lire des livres, et le soir, je vais à un petit bar sketch manger des brochettes et boire de la bière. Le nightlife est plutôt tranquille, une fois la nuit tombée la plupart des gens retournent à leur bungalow ou leur container pour faire un barbecue. Le jour, la plage est paquetée, et pas mal de gens parkent leur Lada, leur Trabant ou leur Zhigulin (ou, si ils sont riches, leur Honda ou leur Peugeot) proche de leur spot pour pouvoir faire jouer de la musique à haut volume. De temps à autres ils repartent le moteur pour une minute ou deux, mais plusieurs l’oublient, faque on voit à quelques reprises des bonhommes qui poussent leur vieille bagnole communiste carrée.

L’activité principale est de louer des Sea-Doos et se promener bruyamment comme des rednecks. Peu jouent à des sports de plage ou vont nager, je spécule qu’un maudit paquet en est incapable, c’est pas un peuple très aquatique disons. En plus, leur épaisse pilosité va absorber l’eau et les faire couler comme des roches. Un moment donné, je vois un gros individu couché sur la plage, et je me demande ce qu’il fait avec un gilet de laine noir, avant de passer plus proche et de me rendre compte de ma méprise.
À part les Arméniens, il y a peu d’étrangers. Les quelques blanchâtres sont russes, peut-être des Russes qui habitent en Arménie. En descendant un sentier, je passe à côté d’une gang d’Iraniens et on marche ensemble, ils parlent très bien anglais et sont plutôt drôles, les filles font même des jokes de cul assez salées, ce qui me prend au dépourvu vu qu’elles portent des hijabs et des chemises à manches longues. Je connais assez peu l’islam et les musulmans, en cette année 2012.

Un moment donné, je croise un gros groupe d’adolescents, un d’eux porte un t-shirt des Canadiens de Montréal. Je me dis que c’est sûrement une copie qu’il a pognée au bazar parce qu’il trouvait le design cool, mais quand je lui dis “Heille beau gilet!” il tend sa main et dit “Wow, vous êtes de Montréal?” Il est là avec un programme de son école, tous des Arméno-Québécois sur un genre de voyage de bénévolat et d’échange culturel. Montréal, comme pas mal de grosses villes de par le monde, a une pas mal grosse communauté arménienne, ayant émigré là il y a une centaine d’années pour fuir le génocide. Ils sont plutôt surpris de rencontrer un Québécois là et plusieurs viennent me jaser, certains ont un accent anglophone vu qu’ils vivent à West Muntreeawl mais ils parlent un français adéquat pareil.
Après trois jours au Lac Sevan, je me dirige vers le nord, dans le but d’éventuellement rejoindre la Géorgie. À suivre…
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