Tous les pouèls connaissent le Maryland Deathfest. Ce rassemblement de formations élites de grindcore, death metal et black metal est devenu un des plus gros festivals de metal en Amérique du Nord et certainement le plus gros au monde dédié exclusivement aux sous-genres extrêmes. En 2008 cependant, c’était une affaire un peu plus modeste, à sa sixième édition annuelle, mais quand même assez pour attirer l’attention. Je commençais moi-même à dériver vers les bas-fonds du metal extrême, et je commençais à avoir assez d’argent de poche à flamber, alors mon intérêt était piqué.
Un jour, je flâne sur le forum CapitaleDuMetal.com, et je tombe sur un usager qui parle en terme très positifs de sa visite en 2007 et de son intention d’y retourner. Une idée germe dans ma tête, je le contacte et propose qu’on y aille ensemble. On se donne rendez-vous à La Ninkasi, ce charmant bar Rue St-Jean dans le Faubourg de Québec, et on discute les détails.
Quelques semaines plus tard, Matt, Marc et moi partons de bonne heure de Québec, et on traverse les lignes. Les gros-pleins-d’soupe en uniforme du Department of Border Protection regardent les trois gars en gilet noir avec des images horrifiques dessus avec suspicion, et nous arrosent de questions.
“Whur d’yur do furr a livin’?”
“I’m in the military”
Son grassouillet visage s’éclaire et il me rend mon passeport. Ça marche à chaque fois. À cette époque, je suis effectivement dans les rangs des Forces Armées, mais ils vérifient jamais, je sais pas comment ils vérifieraient anyway. Si vous avez les cheveux courts et le visage dégarni, vous pourriez vous essayer si un douanier vous fait chier.

On arrive à Baltimore en milieu d’après-midi et on se rend direct à notre hôtel. Mes compagnons ont pris tout en main, j’ai rien d’autre à faire que de payer ma part de gaz et de la chambre. On a quelques heures à tuer, alors on va se balader dans le vieux port et manger un gros hamburger et boire des bières au Hard Rock Café.

On est là un jour d’avance, puisqu’il y a un genre de pré-fest non-officiel. C’est situé dans un “squat”, une maison abandonnée illégalement occupée par des punks croûteux. Notre inexpérience se montre alors qu’on décide d’y aller à pied, vu que c’est à juste deux kilomètres selon Google Maps: dès qu’on passe sous le viaduc, on arrive dans le tiers-monde, avec des rues craquées, trottoirs absents, petites maisons en briques tombant en ruine, la moitié étant barricadées et l’autre moitié en piteux état. Il y a presque personne dans les rues , et les quelques encapuchonnés qui longent les murs couverts de graffitis le dos voûté ont pas l’air dignes de confiance. Le seul signe de “civilisation” qu’on voit est le stade des Ravens, à la périphérie du ghetto. On marche vite.

On tourne le coin, et une troupe de loustics avec des uniformes de fans de grindcore est rassemblée sur le trottoir, ce qui nous fait lâcher des soupirs de soulagement. On paye notre prix d’entrée et on achète des bières en canne provenant d’une glacière. Le tout est extrêmement low-key, l’intérieur de la maison est tout décalissé et les instruments de musique sont juste installés sur le sol.
Je me perche sur le balcon, avec une vue plongeante sur l’action. SKARP commence à jouer, un groupe de crustgrind américain, de Seattle je crois. C’est violent, c’est dans l’esprit punk originel, et leur petite chanteuse est pleine d’énergie. Puis c’est AFGRUND, groupe suédois qui commençait déjà à faire des vagues à l’époque avec leur son très Nasum-worship. INGROWING suivent, formation tchèque qui a été mon coup de coeur instantané et est devenue mon groupe de grindcore préféré. Ils sont incroyables. Plus à leur sujet ci-bas (tous les groupes de ce pré-fest joueront le lendemain aussi). SQUASH BOWELS finissent la soirée, j’écoutais leur album Love Songs depuis un bout et je suis bien satisfait d’entendre des tracks comme Grind Standart en personne.



Une belle mise en appétit, et c’est très cool que ces trois groupes européens avec une certaine notoriété (bin, en tout cas dans le monde niché du grindcore) se soient donné la peine d’aller performer dans ce trou à rats, pour ce que j’imagine étant juste une poignée de piasses et l’amour de la musique underground et de nous, les fans. Et un gros big up à la collective de punks qui a mis ça sur pied aussi, tout s’est déroulé dans le respect et professionalisme, le son était meilleur là que dans bin des salles où j’ai mis les pieds.
Donc le lendemain on glande un peu et on va manger un Subway. Le centre-ville de Baltimore donne pas une très belle impression, c’est sale, c’est pauvre, les commerces sont quasiment juste des pawn shops, des restaurants de poulet frit et des liquor stores avec les caissiers derrière des épais barreaux. Les seuls individus de race blanche qu’on voit sont du monde clairement là pour le Maryland Deathfest ou des policiers.
On trouve facilement le Sonar, et encore une fois, SKARP ouvre les hostilités, cette fois leur chanteuse porte une petite robe blanche contrastant avec ses jeans troués et son t-shirt noir de la veille. AFGRUND part des pits et nous varlope bin comme faut avec son grind à la suédoise et son double assaut vocal. Puis c’est le tour de TORSOFUCK, groupe finlandais de goregrind. Les musiciens ont des bas de nylon sur la tête et le chanteur est une brute avec des bras gros comme mes cuisses, et sa voix pitch-shiftée me tape sur les nerfs vite, même si j’apprécie bien la performance over the top.



INGROWING est de retour, et ils détruisent tout. Leur grindcore est pas tout à fait by-the-book, ils y injectent des éléments de death et de punk, et les tounes sont de longueur normale, pas des éjaculations précoces. Ce groupe est magnifique! Arrêtez ce que vous faites et allez écouter l’album Sunrape ou alors Suicide Binary Reflections, ou en fait arrêtez pas de lire ce compte-rendu, vous pouvez bin écouter de la musique en même temps.

Puis c’est le tour de THE DAY EVERYTHING BECAME NOTHING, groupe australien très attendu, à en juger par la réaction de la foule et les petites jasettes que j’ai piquées avec divers festivaliers. Et puis… c’est un dud, en ce qui me concerne. Il doit y avoir de quoi que je pogne pas. C’est un goregrind beaucoup plus axé sur le groove que la violence, et le vocal est tellement modifié que c’est rendu juste des petits gargouillements à bas volume. Meh. PHOBIA viennent avec une approche bin plus dans-ta-face et un grindcore old-school furieux, mené par leur frontman tout énarvé couvert de tattoos. Puis c’est certainement pas SQUASH BOWELS qui va ralentir la tendance, et en plus ils reçoivent un des gars de Afgrund pour un guest vocal.


On change de registre complètement avec MARTYR, oui oui, LE Martyr de Trois-Rivières qu’on connaît et adule tous. Après sept groupes de grindcore ou de goregrind, leur death ultra-technique est une bouffée d’air frais en ce qui me concerne, mais ils reçoivent un accueil plutôt froid de la foule, qui fait pas grand chose de plus que d’applaudir poliment entre les tounes. Dan Mongrain semble pas super à l’aise de parler anglais, et pour moi qui est habitué de le voir rendre des foules de pouèls québécois fous braques, c’est un show pas mal différent de toutes les fois j’ai vu ce groupe phare de l’Âge d’Or du metal québécois en sa terre natale. Puis c’est GRAVE, la légende de la scène death metal de Stockholm du début des années 90, et ils nous rincent bin comme il faut avec des classiques de Into The Grave ou You’ll Never See entrecoupés de morceaux plus récents. Je suis très très fébrile.


Le lendemain, le premier groupe à avoir marqué mon imaginaire est WACO JESUS, d’une brutalité inouïe mais avec un gros groove aussi. Un incident survient à un moment donné: une fille visiblement assez saoule passe en body-surfing, et une fois rendue à la barrière, un des gardes de sécurité l’aide à descendre et l’escorte vers le côté de la salle. Elle essaie de grimper sur la scène, il la tire vers l’arrière fermement mais sans abuser, et elle se retourne et le frappe dans le milieu de la poitrine. Puisque c’est un gros Afro-Américain qui a pas l’air d’accepter un tel comportement, il l’empoigne par son gilet, la lève de terre et la garroche aux bouts de ses bras comme un sac de sable. D’autres patibulaires gardes de sécurité la crissent dehors.

BEHOLD…THE ARCTOPUS joue dans un registre très prog/math/gossage de manche, puis les Allemands de DEFEATED SANITY impressionnent avec leur death à la fois technique et brutal et bien ficelé, et leur guitariste de 56 ans. Je pense son fils est aux drums.

Entre les bands, je me promène dans le labyrinthe de tables de merch, et je me retiens pour pas tout acheter, il y a vraiment des mines d’or là-dedans et je sors souvent mon portefeuille. Je vois la table de Necroharmonic Records et je me rappelle que j’ai commandé des CDs d’eux il y a des mois et ils sont jamais arrivés, et toute tentative de les contacter par e-mail ou par téléphone s’est heurté à des boîtes vocales. Je les approche avec l’intention de m’astiner, et le gars fait juste me dire de me servir dans leurs boîtes. Ah. Ce qu’ils manquent en terme de service à la clientèle, au moins ils l’ont pour ce qui est de la résolution amicale de problèmes. Ils ont pas l’album de Gut que je voulais, mais je ramasse quatre autres albums de goregrind bien purulent, l’équivalent de la valeur que j’ai payé avec ma carte de crédit pour les albums perdus dans malle ou pas envoyés.

FLESH PARADE joue ensuite, groupe de grindcore de la Nouvelle-Orléans récemment reformé et attendu de pied ferme par les fans hardcore (dont je ne fais pas partie, c’est la première fois j’entends parler d’eux) puis c’est DISFEAR, groupe crust punk avec le chanteur de At The Gates. Ça rock en saint-s’il-vous-plaît! Ensuite c’est un band japonais dont j’avais également jamais entendu parler et qui est depuis devenu un que j’adore: COFFINS!!! Oui, trois points d’exclamation sti, ils les méritent. Leur death-doom est d’une pesanteur sublime qui te fait entrer en transe, et les mid-tempos sont à s’en déboîter le cou.



FUCK I’M DEAD sont tout de blanc taché de sang vêtus, et ils sont reçus en rois, je pense pas que ces Australopithèques traversent souvent le Pacifique pour venir jouer en Amérique du Nord. Leur grindcore furieux utilise un drum machine en album et ça en vient redondant, mais en live, ils ont déniché un barbu tout nerveux et suintant qui blaste sans arrêt, c’est assez impressionnant de le voir aller. Puis c’est le tour de GHOUL, un band qui donne un des meilleurs shows de tout le metal. Ces mystérieux énergumènes (qui utilisent les mêmes instruments que Impaled, hmmm) sont encapuchonnés avec des poches de patates, et entre les tounes il y a des genres de sketches avec des acteurs habillés en prêtres ou en monstres difformes qui font des cossins de films d’horreur gore. Et que dire de leur musique?! Ghoul c’est un sacrament de party, avec les rhythmes entraînants du thrash/crossover mêlés à l’intensité du deathgrind.



L’affiche est donc assez variée à date, tout en restant dans le beau monde de l’extrême. MONSTROSITY sont les représentants de la légendaire scène floridienne du début des années 90, et ils jouent des tounes de In Dark Purity et Imperial Doom ainsi que du stock de Spiritual Apocalypse, sorti l’an dernier. C’est pas pire pantoute, mais dans le même style je préfère Malevolent Creation. Un moment donné, quelque chose de bizarre survient: je suis en deuxième rangée, et la fille devant moi recule et son fessier se presse contre moi. Je fais un pas en arrière, autant que la foule dense derrière moi le permet, question de la laisser passer, mais elle redouble et se frotte sur moi comme si on était sur le dancefloor du Dagobert. Je suis un peu héberlué, c’est du gros death metal qui joue, pas du Sean Paul. Elle continue son manège pendant quelques dizaines de secondes et je me demande c’est quoi le protocole à suivre, je dois-tu la prendre par la taille ou quoi, mais éventuellement elle se désengage et disparaît, me laissant là tout confus avec une mi-dure qui perle, pendant que Monstrosity joue Destroying Divinity.

Tout le monde a hâte de voir les headliners de la soirée, les incroyables ANAAL NATHRAKH. Je me demande deux choses: quel sera leur visuel (et en fait, à quoi même ils ressemblent) et comment leur assaut sonore chaotique va se transmettre en live. Premier point: ils sont cinq gars aux cheveux courts avec des gilets noirs ordinaires, et laissent la musique parler pour eux. Et pour ce qui est de leur performance: wow. Quelle violence, quelle froideur, quelle intensité, doux Jésus d’crisse.


Le troisième jour, on brette et on arrive juste pour la fin de COPREMESIS. Si vous aimez le deathgrind bien guttural, checkez leur album Muay Thai Ladyboys, soyez avertis cependant, la pochette contient beaucoup de pénis. INFECTED MALIGNITY je connais à cause qu’ils sont signés sur sur l’écurie montréalaise de Galy Records malgré le fait qu’ils soient japonais. Ils ont changé de style drastiquement, du brutal death de leur premier foule-lègne à un style beaucoup plus mélodique ensuite, et je vais leur piquer une jasette après le set question de leur demander comment ils se sont ramassés avec Galy, mais malheureusement c’est infructueux dû à la barrière de langue. Je leur achète leur EP quand même.

JAPANISCHE KAMPFHÖRSPIELE fait pas d’impression sur moi, en tout cas rien dont je me souvienne quinze ans plus tard alors que j’écris ça, à part le fait qu’ils ont deux chanteurs, de quoi que je trouverai jamais pas superflu. GRUESOME STUFF RELISH (qui ont fait un split avec Gronibard) sont les suivants, puis c’est le trio de HELLNATION, prolifique formation de powerviolence avec des tounes courtes et intenses. CIRCLE OF DEAD CHILDREN est un des groupes que j’attends le plus, et à voir la foule compacte, je suis pas le seul. J’haïs utiliser le mot “underrated”, souvent c’est dénué de sens autre que “j’aime ça pis c’est pas assez connu” mais simonaque, comment ça se fait qu’aussi peu de gens parlent de ce band?! Leurs cinq albums sont des chefs d’oeuvre, du deathgrind ultra-travaillé, et le vocal de Joe Horvath glace le sang. Il lâche des gargouillements et des shrieks qui me font regarder mes voisins avec les yeux équarquillés.


GADGET joue du bon grind suédois à la Nasum, puis je manque le set de DEAD pour aller bouffer, heille, rien de personnel Dead, mais faut je m’alimente. Je m’assure de pas manquer une seconde de IMPALED, et j’ai le sourire tout le long alors que Ross Sewage et sa gang nous garroche leur beau deathgrind médico-humoristique. DYING FETUS, band “local” si ça compte pour de quoi dans un festival aussi far-reaching, sont un peu dans un slump de carrière en 2008, après le décevant War of Attrition, reste qu’ils sont bien reçus et je suis content de finalement les voir.


Mes compagnons de route me disent qu’on va quitter après le set suivant vu qu’on a huit heures de route à faire, et donc on va manquer BLOOD DUSTER et NUCLEAR ASSAULT. J’aurais aimé les voir mais je suis pas un fan fini d’aucun des deux, et il faut que je me plie à l’horaire du chauffeur. Alors le fest se termine pour moi avec MACABRE. Macabre suce des noeuds en live et je comprendrai jamais l’engouement autour de ce band, mais comme Shirley dit dans Slap Shot, “Eul’monde y aime ça”

Donc que dire en guise de conclusion autre que c’était tout un tabarnak de festival que ces zigotos nous ont concocté là?! Depuis, le MDF a décuplé de grosseur, et y a rien de mal à ça, loin de là, tant mieux pour eux, mais je vais me compter chanceux d’y avoir été quand le prix d’entrée était modique et qu’il y avait juste un stage au lieu de choix déchirants à faire.
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Metal Minded — Pouilleux of Destruction — HorreurFM — Crypt of Dr. Gore — Docteur Poivre
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