Powertourisme coréen

Extrait de mon journal, juillet 2009

C’est mon deuxième jour en Corée. Je me lève tôt et je prends un bus pour Jinju, une ride de deux heures vers l’ouest. Le billet me coûte 8000 won, l’équivalent de 8 piasses, ce qui est très raisonnable, surtout en considérant que le bus semble être sorti tout drette de l’usine et sent encore le vinyle frais. Ça confirme ce que j’ai vu en me baladant à Busan la veille, la Corée est un pays très développé, mais surprenemment abordable, et j’ai pas trop à me serrer la ceinture.

Rendu à Jinju, je marche un peu sur le long de la rivière avant d’arriver à la forteresse. Ça coûte juste 1000 won pour rentrer, et le musée adjacent est gratis. L’intérieur du fort est un jardin tout manucuré avec des petits sentiers en zig-zag, et c’est tranquile, il y a juste quelques touristes domestiques avec leurs grosses caméras.

Les gros murs de pierre qui font face à la berge sont assez imposants, et j’aimerais pas trop avoir à les grimper si j’étais un conscrit japonais du 16e siècle. Je connais pas trop l’histoire de ce pays, mais le musée m’explique tout ça, mettant surtout l’emphase sur la deuxième bataille que les Coréens ont gagné. Vu que ça date d’avant l’arrivée des Européens et de leurs armes à feu, on a droit à une exposition d’armures de samourais, de longues épées courbées, et une réplique grandeur nature d’un bateau de guerre japonais surnommé le “Turtle Ship” (maudit que je paierais pour entendre un Coréen essayer de prononcer ces mots) à cause de sa cuirasse en métal avec des pics.

Je continue de me promener, avant de décider que j’ai faim. Un restaurant attire mon regard, j’enlève mes souliers quand je vois que c’est ça qu’il faut faire, et j’entre. Tout le staff et les clients arrêtent ce qu’ils font et vingt paires de z’yeux en forme d’amandes tournent et me regardent fixement. Ça fait un bout j’ai pas vu d’autres blanchâtres et j’imagine eux non plus, mais après quelques secondes de ce manège tout le monde me souhaite la bienvenue. À chaque fois que quelqu’un entre ou sort, les serveuses entonnent un ANYONGHASSEYOOOO en coeur, c’est à la fois sympathique mais un peu fatiguant aussi.

Je m’assis à terre, devant ma table de nain avec un rond de poêle encastré au milieu. On m’emmène un chaudron individuel avec un bouillon dans lequel je mets moi-même la viande, les oeufs, les nouilles et les légumes dedans, et je reçois aussi une quantité infinie de mini assiettes avec des algues, du chou dans du vinaigre, des pinotttes, des gâteaux spongieux bizarres, pis plein d’autres cossins. J’aimerais pas être un plongeur dans un resto coréen.

Un monsieur bilingue m’aide à communiquer. Je le remercie, et il me donne un pamphlet avec une colombe dessus, disant “I’m a Christian!” En broutant mon délicieux lunch, je le feuillette, et j’essaie de comprendre quoi que ce soit. J’ai appris à lire l’alphabet coréen, ce qui a été utile pour trouver quel bus prendre ce matin-là, mais je connais pas beaucoup de mots. J’apprends que Jésus s’appelle “Yae Su” (예수), y a toujours bin ça.

Je peux pas simplement laisser le pamphlet traîner, au cas où quelqu’un tombe dessus et reçoive la Lumière Éternelle. J’en dispose de manière appropriée avant de prendre un bus vers Ssanggyesa. C’est quelque peu une erreur et un clusterfuck de logistique et j’aurais dû le skipper. Ssanggyesa (non, le double S est pas une faute, ils font la distinction entre un S court et un S long eux autres) est la porte d’entrée pour un parc national plein de jolies montagnes, de sentiers de randonnées et de refuges où passer la nuit, mais je suis arrivé trop tard pour espérer me rendre à un d’eux avant que la nuit tombe. J’ai mal planifié mon affaire, j’aurais dû aller là en premier et Jinju le lendemain, mais tant qu’à être là je me promène dans le petit village et je grimpe un sentier très à pic pour avoir une vue sur les environs. Il y a aussi un temple, mais il est de peu d’intérêt après en avoir vu des milliers de copies identiques en Chine.

Je suis chanceux, dès que j’arrive à la route principale, un autobus pour Jinju passe et arrête quand je lève mon bras. Une heure et demie plus tard, je suis dans un autre autobus direction Tongyeong. Ouin, c’est un itinéraire trop ambitieux, mais c’est quand même pas si pire, les bus coûtent pas cher et sont confortables et je peux admirer le paysage rural en sirotant une 하이트 bien froide. Je dors pour la majorité du trajet.

Tongyeong est sur le bord de la mer et un excellent tremplin pour visiter les îles avoisinantes. Ça va attendre à demain, cependant, là il est 21h. Je prends un taxi de la gare d’autobus au port, le chauffeur conduit comme un déchaîné, en plus de regarder la TV sur l’écran de son dash. C’est le bulletin de nouvelles internationales, et on voit un feu de forêt avec des pompiers occidentaux qui essaient de le maîtriser. Je sors le peu de coréen que je possède et lui demande c’est où, il répond de quoi qui sonne comme le verbe “errer”. Errer? De quoi tu parles sti? Ah… LA. Los Angeles. Ça m’a pris une minute avant de la pogner.

Je débarque et je traîne un peu dans la zone portuaire avant de tomber sur une ruelle avec des motels. Juste que… ce sont pas vraiment des motels pour touristes. La Corée a mangé une volée durant les guerres du 20e siècle, ce qui a mené à une pénurie de logement, et des familles entières devaient partager des petits appartements. Aussi, les jeunes gens restent avec leurs parents jusqu’au mariage, et aussi, supposément que l’adultère est endémique dans cette société confucianniste hypocrite. Tout ça crée une demande pour des love motels, et c’est de toute évidence là où je me ramasse, faute d’autres options.

La madame au comptoir demande si chus seul, et quand je dis oui elle sort sa tête pour s’assurer que c’est vrai. Elle demande si je veux la chambre pour une heure, deux heures ou la nuit. Je m’attends quasiment à un lit d’eau en forme de coeur et des miroirs sur les murs, mais non, c’est juste une chambre ordinaire, à part le cabinet de condoms et lubrifiants et autres cossins avec une liste de prix à côté, comme un mini-bar. À côté du bol de toilette, il y a une machine avec plein de pitons et d’écrans, j’ai peur d’y toucher.

Je sors de la douche, et j’entends que ça cogne à la porte. C’est la madame du comptoir qui vient me donner une autre serviette. Elle me parle en coréen, je comprends rien de ce qu’elle dit mais son langage visuel est clair, elle demande si je veux de la compagnie. Elle sort des cartes d’affaires avec des photos de putes dessus et des numéros de téléphone, je décline poliment et je ferme la porte, comme le bizarre voyageur que je suis qui veut juste dormir.

Pour déjeuner, je mange leur spécialité locale, des pattes de pieuvres et des tranches de radis dans une sauce verte, dans une cafétéria animée et sans fla-fla. Puis je prends le traversier vers l’île de Yeonhwado. Il est à peine 9 heures du matin et la gang de mononcles et matantes sur le pont à mes côtés sont tous en train de boire du soju. Je savais que la société coréenne trace une ligne mince entre boire socialement et l’alcoolisme morbide, mais je pensais que ça se limitait aux salarymen urbains avec leurs suits cravates bleu marin et leurs longues heures stressantes. C’est pas comme si le soju goûtait si bon non plus, c’est juste de l’éthanol dilué.

Après une heure à flotter sur les vagues, on arrive sur la côte et son village de pêche. Il y a un sentier qui fait le tour de l’île, avec une belle vue sur la mer et la péninsule coréenne au loin. Rien d’autre à dire que c’est joli et c’est plaisant. En attendant que le traversier revienne, je mange une soupe au poisson et la vieille madame arrête pas de remplir mon bol et de me parler avec ce que j’assume être l’équivalent de l’accent gaspésien ou acadien mais pour les Coréens. Je fais des hochements de tête, et elle doit penser que ça veut dire que je comprends et que je suis d’accord, alors elle continue son monologue et elle me sert une autre grosse louchée de son épais bouillon.

Vous vous rappelez comment j’ai dit que j’ai appris à lire l’alphabet hangeul, par curiosité? Bin une fois de retour à Tongyeong, l’esti de co(rée)nne à la gare m’imprime un billet d’autobus pour Ulsan au lieu de Busan, une crisse de chance que j’ai vérifié, sinon je me serais ramassé à l’autre bout du pays et sans doute manqué mon vol de retour le lendemain.

J’arrive à Busan et je me rends chez mon hôtesse de CouchSurfing, une Torontoise d’origine srilankaise nommée Ann. Elle m’emmène à un restaurant de barbecue assez su’a coche merci, puis à un petit bar local populaire avec les jeunes expats du coin. On y boit quelques bières et on jase avec ses collègues profs d’anglais, mais c’est une soirée plutôt tranquillo vu qu’elle a à travailler le lendemain et moi je dois me lever à 5 heures pour prendre mon avion. Un peu blitzkrieg comme tourisme? Peut-être, mais ça a valu la peine quand même et je suis satisfait de ma courte visite d’introduction au pays du kimchi.

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