Pendant que le Québec retombe en zone rouge, tout roule comme sur des roulettes en Chine depuis le printemps déjà, et les nouveaux cas répertoriés s’avèrent soit être des fausses alertes ou sont sous contrôle dans le temps de le dire. Touchons du bois en espérant que ça reste comme ça.
Ainsi, après une période de vaches maigres, les concerts de musique bruyante ont recommencé de plus belle, et en fait il y en a trois en quatre jours de suite à Shanghai, au grand plaisir des mélomanes métalleux et punkeux de la place. J’arrive en ville le vendredi en début de soirée et je me rends au Lofas, une nouvelle salle au sud du centre-ville. J’ai même pas passé la porte que je me fais donner une bouteille d’IPA, gracieuseté de la microbrasserie qui commandite le show. Elle s’avère bien savoureuse.
Sur le grand écran en arrière de la scène, un documentaire est en train de jouer, au sujet d’un festival de punk à Taiwan. Entretiens avec musiciens et organisateurs, niaiseries backstage, exposés sur le statut de la scène sur la petite île et en Chine continentale, tout ça. C’est intéressant et ça fait passer le temps, vu que chus arrivé un peu trop d’avance.
Le duo avec le nom un peu étrange de CAR CAR CARS prend la scène, deux jeunes kids habillés avec le swag des années 50 ou 60, pantalons éléphants, chemises fleuries avec des gros collets, et cheveux aux épaules. Le guitariste joue des riffs dissonnants, très garage, alternant entre chansons rapides et plus mélancoliques, avec son batteur qui le back avec des rythmes simples mais efficaces. Un moment donné il dit que la prochaine toune est en chinois, j’avais pas remarqué que les précédentes étaient en anglais, disons qu’il avait pas l’élocution la plus claire du monde. Un pas pire set qui commence bien la soirée.

DOG SLÄYER (avec le tréma superflu, comme il se doit), j’avais pas trop aimé les tounes que j’avais écouté d’eux sur internet à cause du vocal trop aigu, mais en live ça passe infiniment mieux. Du gros heavy metal classique, très NWOBHM, ils font même un cover de Judas Priest. L’énergie est là, avec les petits moves synchronisés, les envolées de guitare, le frontman avec sa veste en jeans qui saute partout, c’est très cool de voir de tels jeunots, pratiquement des ados, garder le old-school en vie et l’exécuter aussi bien.

Sans aucun flafla, le quatuor NAONAOSI arrive sur la scène, nous arrivant de Wuhan. Avant que la pandémie arrive, la ville était surtout connue pour avoir un des meilleurs plats de nouilles du monde entier, et pour sa scène punk, probablement la plus importante de toute la Chine. Il fut un temps ou un groupe de punk de Wuhan était soumis aux mêmes attentes d’un groupe de metal de l’Abitibi en genre 2007, avec le gros bassin de musiciens et les hauts standards qu’ils ont mis en place. Alors naturellement, je suis curieux de voir de quoi ils ont l’air.
Bin, laissez-moi vous dire que Naonaosi c’est quelque chose en saint-simonaque! Ils nous garrochent une belle pelletée de beats assez éclectiques, allant des passages doomy très lents à de quoi qui s’apparente à du grindcore, avec pas mal de punk plus conventionnel. C’est surtout leur chanteur qui est du génie: torse nu, crâne buzzé court, lunettes, un seul tatouage situé dans son cou, il ondule constamment sur place comme un gars saoul, avec un regard complètement déjanté et la yeule ouverte. Il gueule ses vocaux comme une mitraillette durant les passages blastés et hulule de façon torturée à d’autres moments, vraiment spécial, ça me fait penser au chanteur de Daughters sur leurs deux derniers albums. Le genre de frontman qui l’a l’affaire, sans qu’on puisse expliquer vraiment comment ni pourquoi, une performance à la fois minimaliste et unique, comme Serj Tankian dans l’temps. Un des meilleurs shows j’ai vu depuis très longtemps, je vais suivre Naonaosi de proche.

Donc une très belle soirée à date, la salle est bien faite et bien située, l’affiche est variée et constituée de bons groupes, et en plus la bière est gratuite, et de la bonne micro, pas de la pisse de jument. J’en claque juste une autre, me devant de rester tranquille pour pas être poqué pour mon tournoi de jiu-jitsu le lendemain. Il reste un groupe pour compléter cette affiche éclectique, les sludgeux de Beijing NEVER BEFORE, qui sonnent comme une tonne de briques. Après avoir plus ou moins fait le tour de mes styles de predilection (grindcore, thrash, death et black metal) au cours des années, je suis tombé dans le sludge, stoner, doom, post, tout ce genre de choses où ils ralentissent un peu le beat et augmentent la pesanteur et je me fais aller la tête allègrement durant leur set. Leur imagerie qui défile sur le grand écran en arrière est plutôt psychédélique et avec plusieurs références à la Marie-Jo Anna, comme certains groupes acclamés de ce sous-genre (Bongzilla, Weedeater, etc.) gang de petits coquins va! Le ouernement central est pas trop down avec ce genre de choses.

Je retourne à mon auberge, où j’ai mis mes choses dans un lit de dortoir question de sauver un peu d’argent en ce weekend déjà un peu onéreux, mais un Chinois a volé mon lit. Constatant que tous les autres lits sont occupés aussi, je vais au comptoir leur shooter de la marde en pensant que c’est leur faute et qu’ils ont surbooké la chambre, mais non, il s’avère que c’est un crosseur qui a fait entrer son chum sans payer. Ils se font expulser sur le champ. Je me gratte la tête en me demandant quel genre de gniochon ferait de quoi de pareil et penserait pas se faire pogner, tsé c’est pas comme si le gars (moi) qui a laissé son sac là était pas pour revenir éventuellement, quoi qu’il en soit je me fais upgrader à une chambre simple. Petite anecdote conne terminée.

Le tournoi de BJJ samedi après-midi se déroule pas si mal, et avec un léger mal de cou et une lèvre fendue, je constate mes options. Il y a un autre show de metal que je veux voir mais il est dimanche soir, et je travaille lundi moi, faut je retourne dans ma ville à temps. Il s’avère que les mêmes groupes (plus ou moins les openers) jouent à Nanjing le samedi. Nanjing est à 300 km à l’ouest, mais le TGV couvre ça en moins de deux heures et y a des dizaines et des dizaines de départs quotidiens. En plus j’ai pas mal de vieux chums dans la vieille capitale, donc je me rends à la gare et bin vite je suis dans le train, grosse canette de bière à la main.
J’arrive un peu en retard, mais je pogne quand même la moitié du set de SCREAMING SAVIOR et leur black metal lent et torturé. Puis c’est le tour de GUARDIANS OF THE NIGHT, un groupe de mélodeath saturé de keyboards, à la Children Of Bodom et compagnie. Ce genre de musique est passé de mode un peu, mais hey on est en Chine, le pays qui garde sur le respirateur artificiel des vieux styles moribonds ou déjà putréfiés tels que le rap-metal, le nü-metal et le metalcore de deuxième vague. Et je chiâle pas du tout, c’est bien d’avoir autant de biodiversité, et même si le set de Guardians Of The Night est un peu long et formulaïque, au moins c’est bien exécuté et leur guitariste est jolie.

J’avais vu JINGJI il y a quelques mois, groupe de black metal assez clean et infusé de death mélodique. Les gars ont du corpsepaint et des longues robes noires, mais sont constamment en train de sourire et de faire des jokes entre les tounes, on se demande à quel point ils prennent leur gimmick au sérieux. La foule en mange cependant, et ils reçoivent un accueil chaleureux.

Je jette un oeil dans la cabine du tech de son, et je suis très content de voir que NARAKAM, le groupe que j’ai le plus hâte de voir, sont les prochains à jouer. Les deux derniers groupes ont joué des sets de 45 minutes, la soirée s’en vient longue. Narakam est un des tout premiers groupes de metal chinois que j’ai connus en déménageant au pays il y a douze ans de ça (douze, calisse!!!). Ils roulent depuis presque trente ans, mais ont juste sorti un seul album, bizarrement, ce qui les empêche pas de faire des shows assez régulièrement et ainsi je les vois pour la troisième fois en cette belle soirée. Je suis fébrile alors que leur intro défile et que les membres se pointent sur la scène un par un.
Ça fait longtemps j’ai pas vu un show où je connais les tounes, et je me fais aller la tignasse (inexistante, ou plutôt coupée court) et tape mon poing en l’air, bercé par leurs riffs de mélodeath/thrash très entraînants. Mais je dois avouer que après quelques minutes, je suis un peu déçu. Le son est bouetteux (ce qui est pas nécessairement leur faute), c’est pas aussi tight que ce à quoi on s’attendrait d’un groupe qui roule depuis si longtemps, et leur plus gros défaut, comme quoi leurs tounes sont crissement trop longues, est mis à l’avant. Sérieux. J’aime beaucoup leur album et je l’écoute souvent, mais leurs tracks durent presque toutes 5 ou 6 minutes alors que 3:30 serait bin en masse. Et pour rajouter au malheur, à la deuxième toune ils font un wall of death, mais vu que y a pas de soudaine accélération de tempo, ça a un effet botché et on se ramasse juste avec cinq petits Chinois maigrichons qui savent pas quand se rentrer dedans.
Puis les problèmes de son se règlent, et ils entament 瞬间燃烧, la toune titre de leur album, suivie d’une méchante bombe intitulée 夜魔之路, et je leur pardonne. Ces tounes sont superbes, parfaites pour headbanger et danser comme un poulet, ce que je peux faire maintenant que j’ai pas à avoir peur d’avoir le cou tout raqué le lendemain. Au yâble le lendemain de brosse et les muscles sternocléïdomastoïdiens endoloris! Le tout est transporté par la voix puissante en mandarin (une langue surprenemment metal) de leur chanteur qui m’a toujours fait penser à un Amérindien, je sais pas pourquoi, peut-être c’est parce qu’il est petit et a une face carrée, des traits asiatiques et les cheveux longs.

Il commence à se faire tard, et mes chums sont rendus dans un bar en ville, à manger des nachos et boire des gin-tonics en spécial. Il reste un groupe à l’affiche, et leur nom APHRODITE m’inspire pas trop confiance, ni le fait qu’ils emmènent un clavier sur la scène. Je regarde une moitié de toune, un cossin à la Children Of Bodom avec une voix stridente, avant de sortir de là et d’embarquer sur un vélo collectif pour aller rejoindre ma gang.
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