Le Coronavirus pis moé (suite et fin)

Le 2 décembre 2022, je suis allé voir un show de black metal. Je suis friand de cette musique et de prestations live, et ça faisait plusieurs mois que la scène metal chinoise était au point mort, avec le cher ouernement en charge qui annullait tout au nom de sa politique de zéro-covid moi l’sac et ruinait la vie des paysans sous sa botte. Donc quand un évènement quelconque passait au travers des mailles du filet, je sautais dessus, et ainsi j’ai pris le train jusque dans la ville de Hangzhou, à trois heures au sud. J’en profiterais aussi pour visiter des chums en ville, et participer à un hash run dans les montagnes un peu en périphérie de la métropole.

Plusieurs m’avaient avisé de pas y aller, au cas où il y ait des éclosions de covid à Hangzhou, ça pourrait revenir me mordre le jiji. J’ai décidé d’y aller pareil, au diable tout ça, après presque un an de cette mascarade j’étais passé le point de me calisser de tout. Arrivé à la gare, je fus accueilli par des bonhommes en burqa en plastique blanche avec des porte-voix, qui me criaient d’aller m’empaqueter avec les autres et de faire des procédures d’enregistrement. Matez-moi cette scène, doux Jésus du calisse:

Il fallait faire la file, queue-à-cul, et éventuellement remplir des formulaires et télécharger des applications de tracking dans mon téléphone. Je savais qu’il y avait une chance sur deux que ça marche pas, vu que j’ai pas de carte d’identité chinoise et que mon nom s’écrit avec des lettres d’alphabet, pas des petits dessins. Faque au lieu j’ai juste fait un croche au travers et arrivé à la sortie, un vieux monsieur pas-de-dents avec un uniforme trop grand pour lui a essayé de m’empoigner par le bras mais a échoué, les famines de l’ère de Mao Zedong de son enfance l’ayant laissé dans un état permanent de faiblesse et de malnutrition.

Faque je suis sorti en enjambant une clôture, j’ai pris un taxi, j’ai ignoré le chauffeur qui m’a demandé (sans réelle conviction) de mettre un m*sque, et je me suis rendu à mon hôtel. Le reste de mon weekend s’est déroulé plus ou moins normalement, en tout cas aussi normalement que la Chine sous le nuage noir de 2022 puisse l’être.

Puis le lundi, de retour au bureau, je reçois un appel, d’un numéro inconnu.

“Bonjour, c’est le département de prévention du covid.”

Je suis tenté de raccrocher ou de prétendre que je parle pas chinois mais je sais qu’ils vont juste continuer d’appeler et éventuellement peut-être contacter mon employeur.

“Ç’tu veux?”

Le chinois mandarin est une langue plutôt directe et dénuée de flafla formel, en tout cas c’est l’excuse que je m’auto-donne pour parler comme un pelleteux de fumier sans éducation.

“Votre tracking app dit que vous avez été à Hangzhou en fin de semaine”

“Ouin, pis?”

“Quel district de la ville exactement?”

Je leur donne une réponse assez vague, genre “Le centre-ville”

“Avez-vous fait un test de covid depuis votre retour?”

“Un en arrivant à la gare, pis deux à matin”

Comme si j’avais rien que ça à crisser de ma vie. Ça a l’air de la satisfaire. 乖居民,乖。

Pis elle rappelle dix minutes plus tard, et me liste chaque district de Hangzhou, me demandant si chus allé là.

Pis ensuite un autre bonhomme du même département, qui me dit d’aller faire un autre test à l’hôpital. Je lui dis OK, puis je l’ignore complètement.

Deux semaines plus tard, tout ça était chose du passé. La quasi-intégralité des mesures anti-covid étaient levées unilatéralement, et le pays annonçait même qu’il ouvrait ses frontières. Yé. J’étais pas mal mi-figue mi-raisin, d’un côté j’étais évidemment bien content, mais aussi en crisse que tout ça se soit passé to begin with, sans compter la possibilité bien réelle qu’un round 2 s’amorce. Les responsables n’ont pas été réprimandés comme je le souhaitais, ni même se sont-ils excusés pour ce qu’on a subi les douze derniers mois, mais au moins on bougeait enfin vers l’avant, autant bin prendre cette petite victoire.

La dernière phase de cette calisse de tempête dans un verre de marde que fut la réponse au covid-19 a été si désagréable que pendant que je la vivais, j’avais pas le goût d’écrire à ce sujet. J’aurais pu ajouter plusieurs parties à ma populaire série Le Coronavirus pis Moé avec les développements loufoques et dystopiques qui survenaient dans mon coin de la Chine, mais j’étais trop déprimé ou en gros tabarnak pour écrire là-dessus.

Mais là j’ai du recul, et du temps libre, alors je vais revenir sur ce qu’a été une année de grosse marde, grâce à ces gens en charge et leurs décisions qui mélangeaient incompétence crasse et abus de pouvoir abject.

J’ai d’abord relu les trois premiers épisodes de la série (1, 2, 3), et bien que j’ai fait quelques grimaces de dégoût et de cringe en lisant le genre de choses que j’avais écrit au début de cette foutue pandémie, elles reflétaient néanmoins mon opinion sincère à cette époque-là. Je l’avais dit et je vais le redire, je pense que la réponse au covid au début et au milieu de ces trois dernières années a été adéquate, généralement parlant. Au début, on avait aucune estie d’idée si c’était le virus qui était pour mettre fin à l’humanité, ce qui justifie des lockdowns drastiques d’une certaine façon. Mais à partir de mi-2020 jusqu’à la fin de 2021, tout semblait sous contrôle en Chine, et je comparais ça avec les nouvelles glauques qui arrivaient du Québec et d’ailleurs, me trouvant somme toute assez chanceux.

Jusqu’à temps que 2022 arrive.

Rendu là, c’était la variante Omicron qui avait le premier plan, et à part quelques coucous hypocondriaques et des dirigeants véreux voulant pas laisser glisser l’opportunité de tester leurs psy-ops, le monde civilisé se rendait compte que c’était un combat impossible à gagner et qui valait même pas la peine d’être engagé. Comme la tendance d’évolution virale le veut, Omicron était à la fois très bénin et ultra-contagieux, et alors que quelques cas commençaient à être répertoriés en Chine, les champions en charge le traitaient comme si c’était exactement le cas inverse.

Donc la vie se transforma en PURE ESTIE DE GROSSE MARDE. Il fallait faire des tests de covid quasi-quotidiens, les voyages à l’intérieur du pays étaient devenus un chiard total, et dans tous les espaces publics, même les parcs, des paysans expropriés en uniforme t’exhortaient à mettre un estie de sacrament de petit m*sque de marde qui sert à rien (et en fait cause des dommages) et à scanner un QR code qui télécharge une application de malware sur ton téléphone. Les restaurants, cafés, bars, gyms, tout fermait, et les évènements sociaux étaient cancellés. Mon lieu de travail fermait pour des semaines entières, durant lesquelles on “travaillait” de la maison. Mon district de la ville a même été entouré d’une clôture pendant quelques jours, et j’avais le droit de sortir juste pour trois heures maximum. Les règles changeaient constamment, alors que les gens en charge lançaient de la marde sur le mur et regardaient ce qui colle.

Et tout ça venait avec un stress énorme de se faire déporter ou enfermer dans un conteneur comme un sac de déchets en cas de test positif (et ça voudrait même pas dire nécessairement qu’on est malade soi-même; ils mettaient dix Q-tips dans la même éprouvette et testaient les dix à la fois) Tout le monde que je connais, expat ou chinois, parlait que de ça les rares fois où on se rassemblait, soit dans une période d’accalmie où les dirigeants magnanimes laissaient les restaurants rouvrir pour quelques jours ou alors dans le bar Chez Frank, un speakeasy ouvert illégalement (à gros risques) et qui a fait des affaires d’or en étant le seul bar ouvert en ville. Pas mal de ceux qui pouvaient décalisser l’ont fait, au diable le billet d’avion cinq fois plus cher que d’habitude, et un gros courant de pessimisme restait parmi les autres, alors que chaque mois ressemblait plus à un épisode de South Park que le précédent.

On a même eu droit à une vague de “panic-buying”

Pourtant, je sais mettre les choses en perspective et réaliser que je suis loin de l’avoir eu si pire, comparé à bin des histoires primaires et secondaires que j’ai entendu, et ce que je voyais aux nouvelles. Une de mes amies a passé un total de 101 jours sur 365 en quarantaine, et mes chums à Shanghai étaient supposés recevoir une ration de bouffe mais des fois elle arrivait pas, et ils passaient des jours à manger des biscuits soda. Sans parler des vagues de suicides publics, de gens qui scandaient des slogans contre le gouvernement en place (ce qui est cute au Canada mais dénote un esprit d’avoir pus rien à perdre ici), d’émeutes, de décisions complètement retardées et d’abus de pouvoir de toutes sortes. Moi j’ai pas perdu ma job ou un seul chèque de paye, je me suis pas fait embarrer chez moi, et y a de quoi de pire dans la vie que de travailler quelques heures par semaine via internet avec le chien sur les genoux et de faire pas mal ce que je veux le reste du temps. Mais comme j’ai dit, c’est le stress de jamais savoir quand (ou si) cette marde va finir, et aussi une question de principe, à regarder en premières loges comment un système politique aussi autoritaire peut mener au désastre comme ça. Ma vision de la Chine, autrefois plutôt positive (je serais pas resté ici aussi longtemps sinon) a sûri en crisse durant cette année de Full-Retard Mode que fut 2022.

Donc, désillusionné et nihiliste et constamment avec une grosse chip rugueuse sur mon épaule, je traitais le tout comme une game. Je faisais mes tests de covid quotidiens et j’envoyais le screenshot de mon appli de traquage à chaque esti de jour aux ressources humaines, vu que je m’étais rendu compte assez vite qu’ils vont me faire chier éperdument avec ça si je me soumets pas à ces balivernes inutiles, mais pour ce qui est du petit m*sque, game on. Comme un alcoolique en rémission, je comptais les jours consécutifs où je réussissais à échapper à cette mascarade grotesque, grâce à des ruses (si tu as un petit sac de peanuts dans le train, ils te sacrent patience), des écouteurs pour faire semblant que j’ai pas entendu, des mouvements rapides et élusifs, l’utilisation de mon sweet privilège blanc, ainsi que de la désobéissance pure. Durant l’été, je me suis rendu à 58 jours, et ce même en voyageant dans huit villes différentes en train. Ironiquement, ce qui a brisé ma streak a été ma visite à l’ambassade canadienne, qui voulait absolument pas me laisser entrer si je mettais pas mon petit m*sque de cocu hypocondriaque. Je l’ai enlevé après 10 secondes, mais quand même, le compte à rebours a été remis à zéro, à mon grand déplaisir.

Et à la mi-décembre, quand on était tous rendus avec un solide cas de syndrome de Stockholm et un sentiment comme quoi la lumière viendrait jamais au bout du tunnel, WHAM, le pays entier a pogné le covid, du jour au lendemain. J’étais tout fébrile, et je dansais sur place à l’idée que moi aussi je l’aurais finalement. Ils ont fermé tout, et même en restant à la maison et en sortant peu, j’ai attrapé l’élusif virus. Ça a été deux jours assez misérables, mais honnêtement rien de vraiment pire qu’une grosse grippe d’homme, et ensuite j’ai profité pleinement de mes six semaines de vacances d’hiver. D’habitude j’en ai trois, mais là vu que tout le monde était malade et que tout était fermé, on a été relâchés plus tôt et c’était crissement le bienvenu, une genre de consolation.

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